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Le "no service" : pourquoi cette spécialité bien française ?

Publié le mercredi 21 juin 2017 . 8 min. 06

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En tant que cliente de nombreux services, boutiques, prestations, je me désole de plus en plus devant une spécialité bien française qui est le « no service » ! Je m’en désole d’autant plus que quand je nous compare avec beaucoup d’autres pays, je ne trouve pas matière à consolation. Les étrangers qui voyagent en France (et qui dépensent) sont souvent étonnés, voire choqués du traitement qu’ils subissent dans bon nombre de commerces.


Je sais que le métier de la relation client est loin d’être simple et que le client peut, lui-même, un comportement difficile à gérer. Mais, tout de même, regardons les choses en face ! Je prends donc quelques exemples qui ont valeur d’illustration, mais qui se retrouvent aussi étayés par les recherches menés dans ce domaine de la relation client et, plus particulièrement, du personnel au contact. Ces situations correspondent chacune à une situation de service dégradée avec une stratégie de comportement de la part de ceux dont la mission est le contact client.


1er cas / Je m’adresse à un service après vente pour comprendre la procédure de suivi de mon dossier. La personne n’a visiblement pas les informations. Elle ne tient pas à les obtenir soit parce qu’elle s’est déjà heurté à cette situation en vain, soit parce qu’elle n’a pas envie de s’embarrasser d’une tâche qui ne lui appartient pas, soit parce que ma tête ne lui revient pas, soit parce qu’elle est fatiguée …Elle adopte alors la stratégie de neutralité : elle revêt un masque et dépersonnalise la relation, en se cantonnant à la prestation stricto sensu. C'est la caricature de l'attitude bureaucratique, avec le refuge du règlement ou de la procédure. Je n’obtiendrai rien, sauf à perdre mon calme … De guerre lasse, j’abandonne, mais avec amertume et ressenti.


2éme exemple/ Je suis à un comptoir pour payer, ou pour récupérer un document, ou pour demander une information. Il ya plusieurs personnes derrière ce fameux comptoir mais aucune ne semble désireuse de me prendre en charge. J’attends depuis de longues minutes, hésitant à interpeller l’une ou l’autre, au risque de les fâcher et de mal démarrer ma relation. Je suis devant la stratégie de l'évitement : cela se traduit par le "je ne vous vois pas", cette attitude est typique de la queue, le prestataire va soit vaquer à d'autres occupations qui requiert visiblement toute sa concentration et lui interdise de voir les gens qui attendent : manipulation informatique, brassage ostentatoire de documents, messages chuchotés à ses collègues … ou bien il se concentre de façon exagérée sur la personne dont il s'occupe, sans chercher à donner aucun signe soit d'excuse soit de demande de patience aux personnes en attente. Vive le smartphone !


3è cas de « no service »/ J’attends pour passer ma commande au café, et tous les « serveurs », ou « équipiers », sont occupés à leurs discussions privées, ignorant superbement leurs clients. C’est la protection par le groupe : les prestataires sont dans l’"entre soi", de façon ostentatoire, manifestant soit du mécontentement (les plaintes sur les conditions de travail ou vis-à-vis du management), soit des plaisanteries et des connivences, montrant bien au client qu'il ne fait pas partie du cercle. Il y a lui et eux. J’attends ? Je pars ? J’interpelle ? Dans tous les cas, une expérience pas très agréable.


4éme expérience/ Arrive mon tour pour avoir une information, le vendeur très désagréable avec mon prédécesseur dans la queue devient aimable avec moi, ou le contraire ! C’est la catégorisation : le prestataire développe une vision de ses clients par catégorie, il présuppose ses futurs comportements sur des critères qu'il a identifiés au fur et à mesure de son expérience. Il va alors anticiper en adoptant un comportement qu'il estime adéquat. C'est ainsi qu'une personne jugée par avance arrogante va pouvoir être remise à sa place avant même d'avoir ouvert la bouche. Pas très sympathique !


5ème exemple/ Ceci nous conduit à la stratégie de l'éducation : Dans ce cas, pour éviter le sentiment de servitude, la personne au contact refuse systématiquement de faire ce que le client peut faire seul. Ce sera par exemple lui expliquer longuement comment remplir un formulaire, plier un carton ou trouver une information, plutôt que de le faire à sa place. Rendre service oui, être au service non ! Mais perte de temps et de sentiment d’infantilisation assurés !


6ème et dernier cas / J’erre depuis des heures pour trouver un vendeur dans les rayons du magasin, et quand j’obtiens enfin un contact, je commence ma phrase par : « S’il vous plait, puis je … », pour m’entendre asséner un sonore « Bonjour » me renvoyant à mon impolitesse, et ignorant bien sûr la frustration de mon attente… C’est la stratégie de la soumission : il s'agit de faire rentrer le client dans le rang, la pratique est alors paradoxalement la politesse exagérée, qui permet à la fois de garder la distance et de rappeler qui a le contrôle. Plus le client conteste ou s'énerve, plus cette politesse va être accentuée, évitant de sortir des règles assignées tout en interdisant au client de se plaindre du comportement ("vous ne pouvez pas me reprocher de vous avoir manqué de respect"). .


A l'heure du tout '"orientation client", pourquoi cette absence de service pour les prestations les plus élémentaires ? et tout particulièrement en France ?


Il nous faut envisager la prestation de service sous l'angle du pouvoir. Ceci est particulièrement vrai dans le contexte culturel français où la place des individus dans la société est liée à la notion de statut. C'est ce que nous explique Philippe d'Iribarne sans son ouvrage La logique de l'honneur (2). En France, nous dit-il, il y a un clivage permanent entre ce qui est noble et ce qui est vil et dans la culture française, il n'y a qu'une frontière très fragile entre service et servitude. D'où la difficulté très forte à développer la notion de service en France, où la stratification sociale est fondée sur le rapport de classe. "Rendre service" qui est un acte choisi et valorisant se transforme très vite entre "être au service", avec toutes ses dimensions de contrainte. Dans ce cadre, tout l'enjeu des personnels au contact est donc ne pas être dans le subi, et de préserver le périmètre de leur prestation pour ne pas entrer dans le champ de la servilité ou de la servitude.


Le problème, c’est que la relation client repose en tout ou partie sur ces « personnes au contact », leur façon de se comporter, de réagir, leur empathie, leur désir d'aider et d'accompagner le client. C’est ce qui crée l’image de l’entreprise, son attractivité, la fidélisation … et tout simplement, ce qui met de meilleure humeur pour le reste de la journée !


Car le contraire est vrai : être bien reçu, écouté, remercié, avoir un « bon contact » avec notre interlocuteur est tellement agréable et valorisant !

 

 (1) Iribarne Philippe (d'), 1989, La logique de l'honneur, Seuil, Paris


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