Pour Xerfi Canal, Jérôme Barthélemy, professeur de stratégie et management à l’ESSEC, nous explique pourquoi l'inaction est parfois préférable à l'action en stratégie, en illustrant son analyse avec l'exemple des gardiens de buts au football, qui ont un choix à faire lors d'une séance de tirs au buts : plonger ou rester au milieu.
"Vous êtes gardien de but et vous faites face à un joueur qui s’apprête à tirer un penalty. L’issue du match en dépend. Une fois que le ballon a quitté le sol, il lui faut entre 2 et 3 dixièmes de seconde pour atteindre le but. Vous devez donc prendre une décision avant que le joueur frappe le ballon. Que faites-vous ?
• Vous plongez à gauche
• Vous plongez à droite
• Vous restez au milieu du but
Michael Bar-Eli, Ofer Azar, Ilana Ritov,Yael Keidar-Levin et Galit Schein ont étudié 286 tirs de penaltys (effectués dans les principaux championnats de football). L’analyse des bandes vidéo a montré que les gardiens de buts plongent à gauche dans 49,3% des cas, à droite dans 44,4% des cas… et qu’ils ne restent au milieu du but que dans 6,3% des cas.
Le problème est que cela ne reflète pas du tout la façon dont les joueurs tirent les penaltys. Ils tirent à gauche dans 32,2% des cas, à droite dans 39,2% des cas… et au milieu du but dans 28,6% des cas. En d’autres termes, les gardiens de but plongent presque toujours, alors qu’ils auraient souvent intérêt à rester au milieu du but. Concrètement, ils ont 33,3% des chances d’arrêter un penalty lorsqu’ils restent au milieu du but contre 14,2% de chances lorsqu’ils plongent à gauche et 12,6% des chances lorsqu’ils plongent à droite.
Comment expliquer le comportement des gardiens de but ? Près de 80% des penaltys se terminent par un but. Si un gardien de but encaisse un penalty après avoir plongé du mauvais côté, on ne lui en tiendra pas vraiment rigueur. On dira simplement qu’il n’a pas eu de chance. Si un gardien de but encaisse un penalty en restant immobile au milieu du but, il aura l’air ridicule. On lui reprochera de n’avoir rien fait pour l’arrêter. En bref, on reproche moins un échec à quelqu’un qui a tout fait pour l’éviter qu’à quelqu’un qui est resté les bras croisés… même lorsque c’était la meilleure chose à faire !"
Source : Bar-Eli, M., Azar, O. H., Ritov, I., Keidar-Levin, Y., & Schein, G. (2007), “Action bias among elite soccer goalkeepers: The case of penalty kicks”, Journal of Economic Psychology, 28(5), 606-621.
Publié le jeudi 29 octobre 2015 . 2 min. 36
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