L’avantage cumulatif : comment le succès va au succès
Publié le jeudi 24 mars 2022 . 2 min. 57
Stephen King s’est fait connaître en 1974 avec son roman Carrie. Depuis, tous ses romans ont été des succès. Dans les années 1970 et 1980, Stephen King est tellement prolifique qu’il propose à son éditeur de publier plusieurs romans par an. Il se heurte à un refus. Pour ne pas lasser ses lecteurs, un auteur ne doit pas publier plus d’un livre par an …
Comme les romans inédits commencent à s’empiler dans ses tiroirs, Stephen King décide de les publier sous le pseudonyme de Richard Bachman. Le premier roman de « Richard Bachman » (Rage) paraît en 1977 dans l’indifférence générale. Quatre autres romans suivront … sans connaître plus de succès. D’une certaine manière, le cinquième roman (La peau sur les os) connaît la consécration lorsqu’un critique décrète qu’il ressemble « au roman que Stephen King aurait écrit s’il savait vraiment écrire » !
Des rumeurs selon lesquelles Richard Bachman ne serait autre que Stephen King finissent par se répandre. Un certain Steve Brown se rend à la Bibliothèque du Congrès et parvient à prouver que les deux auteurs ne font qu’un ! Les cinq romans publiés sous le nom de Richard Bachman sont alors réédités sous le nom de Stephen King … et leurs ventes sont rapidement multipliées par dix. Comment expliquer ce phénomène ?
L’expression « effet Matthieu » fait référence à une phrase de l'Evangile selon Saint Matthieu : « A celui qui a, il sera beaucoup donné et il vivra dans l’abondance, mais à celui qui n’a rien, il sera tout pris, même ce qu’il possédait ». Elle tire son origine des travaux du sociologue américain Robert Merton sur la recherche scientifique. Grâce à l’effet Matthieu, un petit avantage initial (parfois simplement dû à la chance …) peut se transformer en un écart considérable au fil du temps. Paradoxalement, ce n’est donc pas parce que quelqu’un a du succès qu’il est nécessairement plus compétent que quelqu’un qui n’a pas de succès. La dynamique dans laquelle il se trouve joue un rôle beaucoup plus important.
Après le succès de Carrie, Salem (le deuxième roman de Stephen King) avait beaucoup plus de chances de devenir un « best seller ». Après le succès de Carrie et de Salem, la probabilité que Shining (le troisième roman de Stephen King) devienne un « best seller » était encore plus élevée. A partir de ce moment, Stephen King avait alors développé une base de lecteurs suffisante pour que le succès de ses romans suivants soit quasiment assuré. Lorsqu’il a recommencé à zéro en utilisant le pseudonyme de Richard Bachman, les choses se sont passées différemment. Rage est passé inaperçu … et aucun des romans suivants n’est parvenu à enclencher la dynamique d’avantage cumulatif dont Stephen King bénéficiait sous son véritable nom !
Sources : Johansson, F. (2012), The Click Moment: Seizing Opportunity in an Unpredictable World, Penguin ; Merton, R. (1968), “The Matthew effect in science”, Science, 159(3810), 56-63.
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