A l'heure de l’hypercompétition, les entreprises deviennent de plus en plus interdépendantes. La globalisation des chaînes de valeur, l'éclatement sans précédent des ressources, la numérisation, tout cela pousse les entreprises à nouer des relations de plus en plus complexes.
Mais si les alliances et les partenariats stratégiques deviennent la norme, ces collaborations sont instables par nature. A long terme, la rupture adviendra de façon quasi-certaine. Pourquoi ? Parce que les partenaires finiront tôt ou tard par tomber dans l’un des trois pièges que je vais énumérer.
1er piège : intégrer trop d’entreprises à l’alliance
C’est un fait : les contours des collaborations sont déterminés collectivement. Mais il ne faut surtout pas oublier que chacun de ses membres prend ses décisions stratégiques en fonction d’objectifs et intérêts individuels. Des intérêts qui, bien souvent, ignorent la question de la stabilité de l’ensemble. Ainsi, plus les alliances reposent sur un grand nombre d’acteurs, plus grand est le risque de voir une entreprise isolée trahir ses partenaires.
Par exemple, la sortie unilatérale de Warner Bros de l’alliance HD-DVD au profit exclusif de celle du Blu-Ray est souvent présentée comme un élément déterminant de la victoire du second format sur le premier.
2e piège : s’allier avec des entreprises complémentaires, mais au fort pouvoir d’imitation
C’est l’un des paradoxes les plus criants des alliances. Elles poussent naturellement à collaborer avec des entreprises qui apportent un produit, un service, ou un savoir-faire complémentaire. Dans un premier temps, chaque membre de l’alliance bénéficie de cette complémentarité pour renforcer la valeur perçue de son offre : les produits se vendent mieux, et parfois, plus chers.
Mais à force d’apprentissage croisé et d’imitation, les membres de l’alliance peuvent passer de complémentaires à substituables. Au final, chaque partenaire dépense davantage de ressources dans l’espionnage de ses alliés et la protection de ses propres actifs qu’il ne retire les bénéfices de l'alliance. Quand ce moment survient, la rupture n’est jamais très loin.
3e piège : confondre alliance et cartel
Quand ils nouent un partenariat, les dirigeants des entreprises sont amenés à créer une structure propice à l’échange, au transfert de ressources et de compétences, et à la mise en place d’une feuille de route stratégique commune. Or, au sein de telles structures, la tentation est grande de s’accorder aussi sur les prix de vente, sur les volumes, ou encore d’opérer des discriminations injustifiées envers les entreprises extérieures à l’alliance. Si c'est ce qui se produit, l’alliance devient un cartel.
Le problème, c’est que les autorités de la concurrence ont mis en place un programme « de clémence », qui exonère de toute sanction le 1er membre qui dénoncera l’alliance. Cette prime à la dénonciation s’est révélée être une arme mortelle pour transformer des alliances stables en ensembles non-coopératifs.
Ce que démontrent ces trois pièges, c’est que les logiques individuelles finissent toujours par l’emporter sur les logiques collectives. André Thérive écrivait : « la trahison est une question de dates ». Je rajouterais qu’elle est aussi une question de contingence.
Publié le mardi 29 août 2017 . 3 min. 46
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