Cela ne fait aucun doute : avec l’explosion du numérique, vous aurez tôt ou tard à composer avec la concurrence de plateformes. Or, l’une des particularités de ces plateformes réside dans le caractère agressif de leurs stratégies de conquête de marché. Pour schématiser, elles orchestrent souvent leurs offensives en 2 temps :
D’abord, elles s’ouvrent le plus largement possible aux offreurs de biens et de services, ceux qui possèdent des actifs essentiels à l’activité : pensez aux voitures dans le cas d’Uber, ou aux logements pour AirBnB. Car c’est bien là le cœur de la proposition de valeur des plateformes que d’agréger, coûte que coûte, une offre aussi large que possible pour séduire une clientèle toujours plus importante… et assécher ainsi ses concurrents !En bref, le business model de ces plateformes les pousse à rechercher une domination sans partage ;
Ce qui nous amène naturellement à la 2nde phase des stratégies de conquête des plateformes. Une fois en position de force, elles cherchent souvent à proposer elles-mêmes ces biens et services, ce que l’on appelle la désintermédiation. C’est ainsi qu’Amazon n’hésite pas à concurrencer les vendeurs présents sur sa marketplace en proposant ses propres références sur les produits les plus lucratifs. C’est le fameux « vendu et expédié par Amazon ». Apple aussi s’ingénie à intégrer à ses nouveaux modèles d’iPhone des fonctionnalités auparavant proposées sur l’App Store par des tiers. Et déjà il se murmure qu’Uber pourrait décider d’acquérir des voitures… sans chauffeur ! Pour des acteurs de l’économie dite « collaborative », ces plateformes sont décidemment bien peu partageuses…
Heureusement, toutes les entreprises ne restent pas des victimes passives de la gourmandise stratégique des plateformes. Dans un papier récent de la Harvard Business Review, les professeurs Zhu et Liu sont formels : il est possible de prévenir leurs offensives, à condition de détecter les signaux annonciateurs de l’attaque, tels qu’une demande très soutenue et des prix forts, signaux de rentabilité ;*** la présence de nombreux offreurs, signe de sources d’approvisionnement abondantes et disséminées et donc, d’un rapport de forces favorable vis-à-vis des fabricants pour diminuer les coûts ; ou encore – pour les biens de consommation - des frais de port faibles, qui offrent à la plateforme la possibilité d’offrir la livraison aux clients et apparaître comme la plus compétitive.
Mais, détecter ces signaux ne suffit pas ! Il faut désormais les mobiliser si on veut pouvoir, non plus anticiper, mais prévenir l’attaque. 4 parades sont envisageables :
Vous pouvez d’abord vous engager sur des prestations annexes avec la plateforme, telles que la délégation de la gestion de l’inventaire ou de la logistique. Et oui, elles sont autant de revenus complémentaires auxquels la plateforme devrait renoncer si elle venait à vous évincer.
Vous pouvez également tenter de rendre plus complexe et coûteux l’approvisionnement de la plateforme, par exemple en concluant des exclusivités avec des fournisseurs de 1er rang.
De même, produire soi-même ou agrémenter le produit de fonctionnalités exclusives, difficilement imitables, est un bouclier anti-attaque intéressant. Notez cependant qu’il n’empêchera pas une tentative de rachat hostile de la part de la plateforme ;
Enfin, vous pouvez vous spécialiser sur les marchés de niche, tout simplement pour continuer de surfer en-deçà du seuil radar des plateformes.
Et si toutes ces parades s’avèrent insuffisantes, n’oubliez pas une chose : c’est VOUS qui détenez les ressources que la plateforme cherche à imiter ou à acquérir ! Alors, si la plateforme passe à l’offensive, il est peut-être temps de songer à lancer votre propre plateforme concurrente, à l’image de VTCCab. En somme, il est peut-être grand temps d’uberiser l’uberisateur !
Feng Zhu & Qihong Liu, “When Platforms Attack”, Harvard Business Review, Octobre 2015
Publié le jeudi 26 mai 2016 . 4 min. 56
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