L’intelligence artificielle est plutôt une évolution plutôt qu’une rupture profonde. On la présente comme la grande mutation de notre époque, capable de surpasser l’esprit humain. Mais est-ce vraiment le cas ? Dans son ouvrage L’Homme augmenté, le psychiatre Raphaël Gaillard, élu au printemps 2024 à l’académie française, souligne que l’IA n’est, au fond, que l’extension d’un processus qui a commencé bien avant nous, avec l’invention de l’écriture. De l’écrit à la mémoire informatique, nous n’avons fait que multiplier nos capacités de stockage et de traitement de l’information. Alors, l’IA, une révolution ?
Si l’on prend un grand recul historique, c’est l’écriture qui a été la première intelligence artificielle ! Elle a été la première étape de notre externalisation cognitive. Pour la première fois, l’humanité a pu inscrire, transmettre et accumuler des connaissances au-delà des limites de la mémoire individuelle. Le livre a ensuite fait de chaque lecteur un détenteur potentiel de savoir. En augmentant nos capacités mémorielles et logico-déductives, l’écriture, puis le livre, ont été les premiers outils de ce que l’on pourrait appeler une « intelligence artificielle » avant
Le livre est en fait un modèle réduit de l’IA. Le neuroscientifique Hervé Chneiweiss, dans son ouvrage Notre cerveau, compare très bien notre esprit à un lecteur face à un livre infini. Chaque page tournée, chaque information mémorisée est une brique supplémentaire dans la construction de notre savoir. Ce processus est le même que celui de l’IA, qui, elle, absorbe, numérise et traite ces pages dans une quantité et à une vitesse fulgurante. Finalement, l’intelligence artificielle n’est que la version augmentée du livre : un stock immense de données où puiser des réponses, des logiques, des raisonnements. Mais l’IA, comme le livre, ne crée pas ; elle compile, elle organise.
De fait, l’intelligence humaine, lorsqu'elle est assistée par l’I.A., peut atteindre une nouvelle dimension : une intelligence augmentée. C’est en combinant les capacités analytiques de l'IA avec l'entraînement de notre cerveau par la lecture et la culture que nous décuplons notre potentiel. L'IA, loin de se substituer à l'esprit humain, devient alors son partenaire privilégié, permettant de traiter des volumes d'informations colossaux tout en laissant à l'humain le soin d'y injecter créativité, intuition et jugement critique. Cette synergie entre l'humain et la machine permet non seulement d'améliorer nos performances cognitives, mais aussi d'élargir les horizons de notre pensée.
L'intelligence artificielle ne doit donc pas être perçue comme une menace, mais comme un outil à domestiquer, tout comme l’ont été le livre, l'ordinateur ou internet. Toutefois, cette domestication exige plus que jamais une éthique rigoureuse. Le véritable défi est d'élever l'esprit humain pour qu'il puisse utiliser cette technologie avec discernement.
L'entraînement de nos cerveaux par la culture et la lecture devient alors non seulement une obligation morale, mais aussi une exigence d’entrainement cérébral. C’est la garantie que l'IA servira à enrichir l’intelligence humaine plutôt que l'aliéner voire à la diminuer.
Publié le mercredi 11 septembre 2024 . 4 min. 22
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