Fidèle à sa tradition d’entreprise voulant concilier progrès social et performance économique, le patron de Danone, Emmanuel Faber, a annoncé à l’Assemblée générale des actionnaires d’avril 2018 qu’il allait donner à ses salariés une action Danone. Que faut-il en penser ?
La révolution qu’appelle Emmanuel Faber vise à transformer la gouvernance en surfant sur les nouvelles formes de gouvernance des entreprises et la loi PACTE. L’objectif visé serait de faire de Danone une B Corp (Benefit Corporation) à l’échelle mondiale ; une société associant but lucratif et intérêt général. Actuellement environ 30 % du chiffre d’affaires du groupe serait généré par huit filiales certifiées B Corp. dont les filiales américaines et canadiennes.
Afin d’accélérer le changement organisationnel et associer ses employés aux choix stratégiques, le patron de Danone a annoncé que les salariés recevront chacun une action leur donnant droit à un dividende, éventuellement majoré. Cette volonté de transformation de la gouvernance de Danone serait, selon le patron de Danone, bien vue même par les financiers. A l’appui de sa démonstration il mentionne le fait que les grandes banques internationales feront bénéficier son groupe d’un taux d’intérêt dégressif au fur et à mesure que ses filiales obtiendront la certification B Corp.
Les salariés n’ont que 1,3 % du capital de leur société, soit environ 8,9 millions d’actions. Un pourcentage qui ne place pas Danone parmi les sociétés françaises ayant un fort actionnariat salarié. Ce chiffre peut en effet paraitre faible, surtout au regard des prétentions sociales et sociétales affichées par les dirigeants du groupe alimentaire. La proposition du PDG actuel de donner une action à chaque salarié est-elle susceptible de change la donne ? La réponse est malheureusement non malgré la rhétorique habilement développée par Emmanuel Faber. La structure de propriété n’en sera pas affectée.
Mais contrairement à ce que le discours généreux d’Emmanuel Faber peut laisser supposer, cela ne transformera pas ses employés en actionnaires car leurs intérêts se trouveront toujours du côté de leur statut de salarié. Au cas où il faudrait restructurer certaines activités et prendre des décisions difficiles pour restaurer les marges, il est fort probable que l’action reçue ne pèsera pas lourd dans la balance.
Alors que sur les cinq dernières années (2013-2018) le CAC 40 a progressé de 52 %, le titre Danone n’est monté que de 20 %. Pas de quoi satisfaire grandement ses actionnaires, notamment les investisseurs internationaux. Cela renforce l’idée que Danone pourrait faire mieux et être la cible d’actionnaires activistes. C’est du reste pour cela que les objectifs de marge ont été relevés. On touche ici les limites du double discours.
Inquiet de la dérive des pratiques des entreprises vers la finance, très marquée depuis 25 ans, Emmanuel Faber, qui est aussi un fervent catholique, cherche de nouvelles voies pour son groupe. Mais même le fait que Danone devienne une B Corp ne changera pas fondamentalement l’équation financière auquel toute société cotée et non contrôlée doit résoudre.
Publié le vendredi 14 septembre 2018 . 3 min. 15
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de Michel Albouy
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