Pas une semaine ne passe sans qu’une nouvelle prouesse de l’intelligence artificielle ne vienne nous étonner. Et sur un type de compétence en particulier : celles qui touchent au plus près à notre humanité.
Par exemple, une étude parue en 2023 dans Psychological Science montre que les visages générés par l’IA ne sont pas seulement crédibles, ils sont jugés (par les humains) plus humains que les vrais visages humains. Comme toujours, ceux qui se croient le plus aptes à déceler un faux humain sont les plus facilement bernés.
Deuxième exemple, issu d’une étude parue dans JAMA, le Journal de l’Association Médicale Américaine. Les auteurs ont utilisé des questions médicales posées sur un forum internet, et ont comparé les réponses d’un chatbot à celles des médecins. Et ils ont demandé à des médecins d’être les arbitres de ce match. Résultat : non seulement les réponses du chatbot sont meilleures que celles des médecins, mais surtout, elles sont surtout bien plus empathiques (45% des réponses de l’IA le sont, contre 5% de celles des médecins).
Et puisqu’on parle d’empathie, un troisième exemple : une étude parue dans Frontiers in Psychology a demandé à ChatGPT de répondre à 50 questions de rubriques « courrier du cœur ». Là encore, les 404 personnes interrogées trouvent ces réponses « plus équilibrées, plus complètes, plus empathiques, plus utiles, et meilleures » que celle d’un expert(e) humain(e).
Bref, l’humain semble ne plus avoir de secrets pour l’IA. C’est sans doute pour cela que six chercheurs nord-américains ont eu l’idée de lui soumettre une question éternelle, et bien humaine : l’IA peut-elle prévoir l’amour ?
Les chercheurs ont donc étudié deux étapes du développement de la relation amoureuse. D’abord, ce qu’ils appellent « l’attraction romantique initiale ». Ensuite, ce qu’ils appellent « période interstitielle », celle où les individus se sont rencontrés, et où les couples se forment – ou pas. Ils ont notamment analysé un millier de dates, ces premiers rendez-vous entre des personnes potentiellement intéressées l’une par l’autre. Leur question : l’IA peut-elle prédire quels couples vont « matcher » ?
Et leur réponse – roulement de tambour—est que… non. Avant la rencontre, l’IA sait quels individus ont le plus de chances de trouver un(e) partenaire. Ce n’est pas sorcier – vous savez probablement quelles personnes sont de bons produits sur le marché de l’amour… Mais l’IA s’avère incapable de prévoir avec qui une personne donnée va s’assortir. Au stade suivant, l’IA s’avère tout aussi incapable de prédire quels « pré-couples » transformeront l’essai.
La conclusion est bien sûr préoccupante pour ce qu’on appelle la « science des relations », qui inspire notamment les algorithmes utilisés par les sites de rencontres. Si on ne peut pas prévoir quels individus vont former un couple, comment déterminer qui doit rencontrer qui ?
Une réponse possible consiste simplement à dire que l’absence de succès ne prouve pas l’échec. Après tout, il ne manque pas de choses qu’on pensait impossibles pour un ordinateur, mais que l’IA a fini par réaliser. Même si l’IA ne parvient pas à prévoir l’amour aujourd’hui, il reste possible qu’elle y arrive.
Mais les auteurs de l’étude soulèvent une autre possibilité : celle que la tâche soit en réalité impossible. Il est possible, disent-ils, que la flèche de Cupidon, dans sa trajectoire, n’obéisse pas à des lois physiques préexistantes qu’il suffirait de découvrir. Peut-être, en somme, que l’apparition de l’amour n’est pas le résultat d’une réaction chimique, dont on pourrait prévoir l’issue dès lors qu’on en connaît les éléments, mais un phénomène irréductiblement aléatoire, imprévisible, comme un tremblement de terre.
Et si c’est le cas, il resterait au moins une chose humaine qui serait éternellement inaccessible à la machine : le mystère de l’amour. Est-ce qu’on ne préfèrerait pas tous que ce soit vrai ?
Visages : https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/09567976231207095
Deux : https://jamanetwork.com/journals/jamainternalmedicine/article-abstract/2804309
Trois : https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2023.1281255/full
Ont étudié :
DOI: 10.1177/08902070221085877
Etude précédente :
https://doi.org/10.1177/0956797617714580
Publié le jeudi 13 février 2025 . 4 min. 35
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