Les médias ne les décrivent le plus souvent que tels des leaders conquérants, visionnaires, à la tête de grandes batailles économiques. Pourtant, derrière le vernis de l’assurance, certains dirigeants préfèrent fuir leurs responsabilités avec une constance inquiétante. Ils s’abritent derrière des conseils d’administration dociles, des comités exécutifs complaisants, et une armée de consultants interchangeables. Le courage et la détermination deviennent des termes presque tabous. Leur objectif ? Éviter à tout prix de prendre une décision qui pourrait les exposer personnellement.
Sous couvert de rigueur, nombre de ces dirigeants se réfugient derrière une avalanche de KPI, ces indicateurs de performance qui envahissent tout. Dans la réalitét, ces métriques, deviennent souvent de systèmes de défense pour se protéger de toute forme de responsabilité. Comme le souligne Richard Rumelt dans Good Strategy Bad Strategy, « les mauvaises stratégies sont souvent déguisées sous des apparences rationnelles, mais elles manquent d'un véritable objectif stratégique ». Ces KPI, loin de renforcer la gouvernance, instaurent une bureaucratie paralysante où les dirigeants se cachent derrière les chiffres pour éviter de trancher dans le vif. Le résultat ? Un immobilisme déguisé en rationalité.
Face à des situations complexes, ces dirigeants invoquent à tour de bras des experts extérieurs. Un rapport de McKinsey ici, une étude du BCG là. L’objectif est souvent de déporter la responsabilité sur des « experts » externes fournisseurs d’idées et de projets, Comme l’explique Rumelt, « le recours excessif aux consultants peut révéler un manque de vision stratégique et une absence de détermination des dirigeants ». Ce jeu de dupes fonctionne à merveille : le dirigeant se présente comme prudent, informé, et surtout, il se dégage de la responsabilité morale de ses propres décisions.
Il est vrai que la moindre erreur peut coûter cher, non seulement à l’entreprise, mais aussi à la carrière du dirigeant. La peur de l’échec devient alors un puissant moteur pour ces non-décisions. Comme l’a démontré Jim Collins dans How the Mighty Fall, « l’un des premiers signes du déclin est l’arrogance née du succès, qui pousse les dirigeants à se reposer sur leurs acquis ». En outre, une étude de Gartner a révélé que plus de 60 % des dirigeants admettent que la peur de l’échec influence leurs décisions et les pousse à éviter de prendre des risques majeurs, ce qui freine l'innovation au sein de leurs entreprises.
Au fond, le dilemme entre lâcheté et cynisme s’efface souvent derrière une troisième voie : celle de la compromission, déguisée en rationalité stratégique. Ces dirigeants, oscillant entre inertie apparente et opportunisme calculé, ne sont-ils pas tout simplement en quête de survie ? Si la lâcheté renvoie à la peur de l’affrontement et le cynisme à une absence totale de scrupules, peut-être sont-ils simplement deux faces d’une même médaille : celle du pragmatisme sous tension.
Annexe des sources :
1. Richard Rumelt, Good strategy bad strategy: The difference and why it matters (2011). .
2. Jim Collins, How the mighty fall: and why some companies never give In (2009)
3. Gartner, 2021 CEO Survey: Building resilient organizations in uncertain times
Publié le mardi 12 novembre 2024 . 3 min. 31
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