Longtemps, l’analyse SWOT a été l’outil de base de tout raisonnement stratégique. Quatre cases pour poser une réflexion claire : forces, faiblesses, opportunités, menaces. Mais en 2025, cette clarté se heurte à la brutalité du réel.
En Allemagne, l'instabilité politique a atteint un sommet avec l'élection de Friedrich Merz au poste de chancelier le 6 mai, après une première tentative infructueuse au Bundestag, révélant une coalition fragile et une montée en puissance de l'extrême droite, l'AfD, qui a obtenu un score historique de près de 21 % aux élections fédérales de février.
Aux États-Unis, le président Donald Trump a imposé des droits de douane massifs sur les importations européennes, provoquant une crise commerciale transatlantique. De plus, ses déclarations remettant en cause l'engagement des États-Unis envers l'OTAN ont semé le doute parmi les alliés européens.
Dans un tel contexte, peut-on encore croire à la pertinence de matrices conçues pour un monde stable ?
Le chaos fait éclater les cases
Le SWOT suppose que l’on peut identifier durablement ce qui est une menace ou une opportunité. Mais dans un monde instable, ces catégories basculent sans prévenir. La montée en puissance de l’IA générative, bouleverse les rapports de force sectoriels en quelques semaines. Une compétence considérée comme une force hier devient un handicap aujourd’hui. Une technologie marginale devient une menace systémique demain. La logique du SWOT est menacée non pas parce qu’elle est fausse, mais parce qu’elle est trop lente.
Du diagnostic au radar stratégique
Faut-il pour autant enterrer le SWOT ? Non. Il reste utile, à condition d’en changer radicalement l’usage. Plutôt qu’un outil de planification figée, il doit devenir un scanner stratégique, un cadre de scénarisation. Chaque case doit intégrer des hypothèses multiples : que devient cette force si l’euro chute ? Quelle menace si l’UE implose politiquement, comme le laissent craindre les tensions budgétaires dans certains pays ? La matrice devient vivante, mobile, discutée collectivement, mise à jour en temps réel.
Le SWOT : un outil, pas une religion
Dans un monde devenu illisible, les émotions remplacent la raison, comme le souligne Dominique Moïsi. Individus comme entreprises cherchent des repères dans l’instinct plutôt que dans l’analyse. Le SWOT, dans ce chaos, ne peut survivre qu’à une condition : cesser d’être une grille sacrée. Il doit devenir une arme critique, souple, interrogative, en perpétuelle révision. Sinon, il ne sera qu’un rituel vide dans un monde bousculé en permanence.
Du tableau figé au radar dynamique
Pour rester pertinent, chaque case de la matrice doit être pensée comme un espace de controverse : une force peut devenir une faiblesse sous contrainte géopolitique ; une opportunité peut se muer en menace avec un choc réglementaire. Le SWOT de demain n’est pas un tableau figé, mais un radar en boucle continue, nourri par la veille, la controverse, et l’anticipation. Il ne donne plus des réponses, il force à se poser les questions les plus impertinentes.
Publié le lundi 19 mai 2025 . 3 min. 29
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