Ce sont souvent les actions subtiles qui provoquent les plus grands bouleversements. Archimède affirmait avec audace : « Donnez-moi un levier et un point d'appui, et je soulèverai le monde. » Cette maxime trouve une résonance particulière dans la stratégie d’entreprise. Savoir repérer ces leviers, parfois minimes en apparence, capables de provoquer des transformations majeures, est un art stratégique essentiel.
L’effet de levier stratégique, à ne pas confondre avec le levier financier, repose sur ce qu’on appelle le « point de bascule ». Dans son ouvrage The Tipping Point, Malcolm Gladwell montre comment des phénomènes de masse peuvent émerger de petits changements ciblés. Un exemple révélateur est la renaissance de la Fiat 500 et de la Mini Cooper. Fiat et BMW, plutôt que de n’investir que dans des technologies de pointe, ont décidé de jouer sur la nostalgie, et donc un effet de levier basé sur la mémoire collective et l’émotion. Deux décennies après leur retour, ces voitures iconiques continuent de dominer l’imaginaire du segment des petites voitures urbaines.
Gary Hamel et C.K. Prahalad, dans Competing for the Future, enrichissent toutefois cette réflexion en introduisant un concept complémentaire : l’effet de tension. Si l’effet de levier maximise l’impact en optimisant les ressources actuelles, l’effet de tension, quant à lui, pousse à se réinventer. Il consiste à imaginer un futur audacieux, parfois délibérément en décalage avec la réalité présente. Cet écart, loin d’être un obstacle, agit comme une force motrice, incitant à innover et à explorer de nouvelles directions.
Un exemple emblématique de cet effet de tension est celui du tennisman Pete Sampras. En 1996, après une défaite décevante en quarts de finale de Wimbledon contre Richard Krajicek, Sampras aurait pu se laisser abattre. Pourtant, avec confiance, il déclara : « Ce n'est pas grave, l'année prochaine je gagne à nouveau Wimbledon. » Un objectif ambitieux et, à ce moment-là, presque irréaliste. En 1997, fidèle à sa promesse, il remporta son quatrième titre à Wimbledon. Cet exemple illustre parfaitement comment un but élevé peut transformer une défaite en tremplin, en créant une tension auto-alimentée vers le succès.
Retour à Fiat et BMW. L’effet de tension ici s’est manifesté non seulement dans la capacité des entreprises à redonner vie à des modèles mythiques, mais aussi et surtout à répondre aux attentes actuelles tout en s’appuyant sur l’héritage du passé. Ces marques ont ainsi su transcender les attentes des générations pour dominer un marché pourtant saturé. C’est ainsi que l’effet de tension s’imbrique avec l’effet de levier : il ne s’agissait pas que jouer sur la nostalgie, mais d’innover aussi pour convaincre les plus jeunes…
Le principal enseignement à tirer de ces exemples est que, face à des environnements saturés ou des transformations rapides, la tentation est de chercher des solutions complexes. Pourtant, les entreprises disposent souvent de ressources sous-exploitées qui peuvent générer des transformations spectaculaires : talents dormants, technologies oubliées ou succès passés. Il faut alors conserver à l’esprit qu’en stratégie, ce sont souvent les idées et les actions les plus simples, mais les mieux ciblées, qui produisent les impacts les plus importants.
Références
• Gladwell, M. (2002). The Tipping Point: How Little Things Can Make a Big Difference. Back Bay Books. URL : https://www.amazon.com/Tipping-Point-Little-Things-Difference/dp/0316346624
• Hamel, G., & Prahalad, C.K. (1994). Competing for the Future. Harvard Business Review Press. URL : https://www.amazon.fr/Competing-Future-Gary-Hamel/dp/0875844162
Publié le jeudi 20 mars 2025 . 3 min. 55
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