Les conflits n’expliquent pas le succès. Les ficelles, si.
Le monde s’embrase, les ventes de livre décollent
En géostratégie, ce ne sont pas les idées qui font vendre, mais la forme qu’on leur donne. Pas besoin d’originalité. Il suffit de respecter les codes : un titre-choc, un ennemi désigné, une vision de l’effondrement, et surtout… le bon passage télé. La librairie n’est pas un lieu de savoir, c’est un marché de récits anxiogènes.
1. Le titre = l’alerte rouge
Un bon titre de géostratégie ressemble à un bandeau BFM : « La guerre de demain », « Le choc des empires », « Le retour du chaos ». Il annonce un danger imminent. Il provoque l’angoisse ou la fascination. Il doit se lire en 3 secondes. Et rester en tête comme une alerte.
2. Une structure de série télé
Le livre ne suit pas la logique d’un traité. Il suit celle d’un épisode : ouverture dramatique, tension croissante, climax, appel à la vigilance. Le lecteur doit sentir qu’il sait quelque chose que les autres ignorent. La montée en tension est plus importante que la cohérence analytique.
3. Des thèmes qui déclenchent l’adhésion ou la panique
Pour vendre, un livre de géostratégie doit cocher des cases émotionnelles :
• Russie = menace archaïque
• Chine = l’empire se prépare avec patience
• Etats-Unis / Trump = chaos politique
• Iran = bombe imminente
• Israël/Palestine = conflit moralisé et émotionnel
• Europe = déclin inexorable
Le monde devient un champ clos de puissances aux rôles bien définis.
4. Le statut d’expert télé
Un livre ne devient best-seller qu’après exposition médiatique. Bien avant d’être lu, l’auteur doit être vu. Vu sur les chaînes d’info, entendu à la radio, cité sur Twitter, sur les réseaux sociaux. Peu importe la qualité de l’analyse : l’auteur devient vendeur dès qu’il devient un visage reconnu. La notoriété fait office de preuve.
5. Une illusion de maîtrise pour cadres inquiets
Le lecteur type ? Un cadre cultivé, inquiet, saturé d’infos. Il ne veut pas comprendre le monde, il veut croire qu’il le comprend. Le livre doit lui offrir des clés simples, des concepts à répéter, des certitudes déguisées en révélations. Et de sujets de conversation à la pause-café. Moins c’est nuancé, plus ça rassure.
6. Et la concurrence comme champ de bataille ?
On l’a compris, en géostratégie, ce n’est pas la pensée qui fait vendre, c’est la mise en scène. Un bon titre, un bon ennemi, un bon angle, un bon passage télé : le récit prime sur l’analyse.
Et si les livres de stratégie d’entreprise s’en inspiraient ? Plutôt que d’empiler les abstractions, ils pourraient scénariser les tensions, incarner les dilemmes, nommer les adversaires. Raconter la concurrence comme un champ de bataille, et le management comme une lutte de pouvoir.
Avec moins de concepts que dans les revues académiques. Mais avec plus de dramaturgie.
Publié le lundi 07 avril 2025 . 3 min. 11
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de Philippe Gattet


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