Stratégie océan noir : quand tous les coups sont permis

En 2005, Stratégie Océan Bleu de Chan Kim et Renée Mauborgne devient un best-seller mondial. Leur promesse ? Échapper à la concurrence féroce en inventant des marchés nouveaux, vierges, où l’innovation permet de s’épanouir sans combat. Quinze millions d’exemplaires plus tard, le rêve a tourné court. Le monde économique n’est pas un océan bleu. Il n’est même plus rouge. Il est devenu noir.

Un monde qui se débarrasse des règles

Dans cet océan noir, la concurrence ne se contente pas d’être rude, elle est sauvage. Les acteurs ne cherchent plus à battre leurs rivaux à la loyale. Ils visent à les étouffer, les contourner, les neutraliser. Par n’importe quel levier : juridique, technologique, fiscal, normatif, informationnel. Le rapport de force a remplacé la proposition de valeur.

La prédation comme méthode

Amazon ne se contente pas d’héberger des vendeurs sur sa marketplace : il analyse leurs meilleures ventes, puis lance ses propres produits pour les concurrencer et les éliminer. Facebook attire les éditeurs en leur offrant de la visibilité, impose ensuite ses formats, puis réduit volontairement leur exposition dans le fil d’actualité pour les rendre dépendants de la publicité. Apple, de son côté, verrouille son écosystème, prélève une commission sur chaque innovation qui s’y greffe, et utilise ses brevets pour empêcher l’entrée de nouveaux concurrents.

Les puissances invisibles de l’économie noire

Dans l’ombre, des cabinets de conseil discrets et des puissances étatiques jouent leur partition. Une société comme Palantir s’insinue dans les appels d’offres publics en Europe, sous couvert d’analytique avancée. Les lobbys industriels freinent les régulations environnementales à Bruxelles. Certains recrutent d’anciens hauts fonctionnaires pour influencer les décisions avant qu’elles ne soient rendues publiques.

Le cynisme stratégique comme avantage concurrentiel

Dans cet univers, l’avantage n’appartient plus aux plus créatifs, mais aux plus lucides. Ceux qui comprennent que l’éthique est devenue contextuelle, que la vitesse prime sur la loyauté, et que les règles ne sont que des obstacles provisoires à contourner.

L’ultime question

Dans un océan noir, l’erreur serait de continuer à penser en bleu. Le monde a changé. La stratégie aussi. Alors posez-vous la seule question qui vaille : voulez-vous rester un nageur en eau douce… ou apprendre à nager avec les requins ?