La question des seuils sociaux est un sujet déjà ancien puisque dès les années 1980, les décideurs publics et économiques s’interrogeaient sur la nécessité de les modifier, voire de les supprimer. Les enjeux sont cruciaux puisque ces obligations réglementaires sont considérées, à tort ou à raison, comme un frein à l’emploi et à la croissance. Ce débat est revenu récemment sur le devant de la scène à l’occasion du pacte de responsabilité et de solidarité. Pourtant, malgré la récurrence des discussions, la situation est toujours dans une impasse car les confrontations sur ce sujet conduisent inexorablement à l’adoption de postures clivées et à un débat stérile.
Face à cette situation un constat s’impose, aucun acteur n’aborde la question du management. Dès lors une question se pose : la perspective du management peut-elle être une opportunité pour dépasser ce débat passionnel ?
Un premier constat montre que les seuils sociaux induisent de nombreuses obligations selon les effectifs de l’entreprise. Pour de nombreux dirigeants, ce cap serait rédhibitoire ce qui expliquent qu’ils refusent de le franchir face aux contraintes. Quant aux études conduites sur le sujet les résultats sont pour le moins ambigües voire contradictoires. Tandis que certains économistes relativisent l’impact des seuils sur la croissance et l’emploi, des travaux de think thank soulèvent quant à eux l’immense potentiel de croissance de la suppression des seuils.
Face à ce dissensus donner la parole aux dirigeants permet d’apporter un autre éclairage au débat en analysant ce qu’ils font réellement et leurs stratégies.
Les dirigeants adoptent généralement trois réactions différentes : soit ils renoncent à la croissance face aux seuils, soit ils contournent les seuils par la filiation et l’externalisation en adoptant une trajectoire de croissance déviée, soit ils franchissent les seuils de façon plus ou moins consciente, assumée, voire enthousiaste. Cette perspective stratégique et managériale montre que les réactions des dirigeants sont très contrastées, ce qui permet de dépasser les postures simplistes adoptées dans le débat public.
Ensuite, un second niveau d’analyse du débat, montre qu’il ne faut pas oublier que la croissance, avec ou sans seuils, n’est jamais un long fleuve tranquille. Le développement d’une entreprise entraine inexorablement une complexification du management et le besoin pour l’organisation de se professionnaliser. Les seuils sociaux étant le corolaire de la croissance de l’entreprise, ils peuvent ainsi être très symptomatiques du besoin d’organisation et de structuration managériale de l’entreprise.
En conclusion, si l’enjeu est, bien sûr, la simplification pour la PME, il faut toujours avoir à l’esprit que la croissance nécessite une métamorphose de son management. Penser que la suppression des seuils entraine automatiquement la suppression des contraintes managériales liées à la croissance est une illusion. La vie d’une entreprise est faite de caps managériaux, au cours desquels l’entrepreneur doit apprendre à déléguer, structurer, organiser différemment son entreprise et entretenir le dialogue social. Ces étapes ne disparaîtront pas avec l’enterrement des seuils sociaux.
Au final, à trop vouloir se concentrer sur les contraintes des seuils sociaux, on finit par se focaliser sur l’arbre qui masque la forêt des problématiques managériales, pourtant essentielles pour la croissance des PME. Réintroduire la question du management dans le débat public est peut-être une piste féconde pour dépasser les visions réductrices et stériles.
Publié le mardi 25 octobre 2016 . 4 min. 16
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