L’intime inonde désormais l’espace politique.
Maladies, traumas, burn-out, identités, sexualités : tout est matière à dire. À rendre public. À incarner politiquement.
Gabriel Attal parle de son homosexualité. Édouard Philippe, de son alopécie. D’autres évoquent un viol, un handicap, une dépression. Et tout cela devient événement politique, prise de parole, moment démocratique.
Dans cette nouvelle grammaire du pouvoir, le particulier tente l’universel. Ce qui relève de l’expérience privée est élevé au rang de référentiel collectif. C’est une manière de dire : “ce que j’ai vécu, d’autres l’ont vécu, donc je représente”.
Et c’est vrai : l’intime est politique.
C’est un acquis féministe fondamental.
Le corps, l’histoire personnelle, le vécu ne sont pas en dehors du champ public : ils en sont un des fondements.
Mais jusqu’où aller ?
Car si tout devient personnel, que reste-t-il du commun ?
Et surtout : est-ce que cette irruption massive de l’intime dans la politique produit encore du collectif ? Ou est-ce qu’elle produit du branding ?
Car l’intime, parfois, devient un capital.
Un capital émotionnel, symbolique, médiatique.
Une ressource pour capter l’attention, construire une image, exister dans l’arène saturée de la communication politique.
Et dans ce jeu-là, la sincérité est difficile à mesurer. L’authenticité peut vite devenir posture.
Il faut faire attention :
• Oui, certains récits personnels ouvrent des brèches pour d’autres.
• Mais tout ne se transforme pas automatiquement en engagement commun.
• Parfois, l’intime devient un capital d’attention, mais pas une politique.
• Et parfois, cela reste du domaine de l’anecdote, sans transposition collective.
L’irruption de l’intime dans l’espace public transforme profondément la grammaire politique contemporaine.
On ne parle plus en “nous”, on parle en “moi”.
Et à force de juxtaposer les récits, on finit par perdre la narration collective.
La démocratie n’est pas qu’un espace d’expression personnelle.
C’est un espace de traduction.
Entre le personnel et le collectif, il faut un passage, une mise en commun, une élaboration.
Sans cela, la politique devient une accumulation de témoignages, une dramaturgie du moi.
Et dans cette logique, ceux qui souffrent le plus, ceux qui crient le plus fort, prennent toute la place.
L’intime est politique. Oui.
Mais pour que la politique reste démocratie, il faut que l’intime fasse récit collectif.
Sinon, ce n’est pas du commun qu’on fabrique. C’est de l’éparpillement et de la communication.
Un conseil aux responsables politiques ? user de l’intime avec moderation.
Publié le mardi 13 mai 2025 . 3 min. 05
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