Ce qui différencie un grand leader d’un simple manager, ce n’est pas tant le caractère visionnaire de sa stratégie mais l’histoire qu’il raconte. Les faits seuls n’ont jamais suffi, c’est le récit qui fédère et inspire, car le narratif façonne les perceptions et guide les actions collectives vers un destin commun. Pour le meilleur – ou pour le pire parfois –, être un grand leader, c'est d’abord être un grand conteur.
Le récit est un puissant générateur d’émotions et de mobilisation. Barack Obama, avec son "Yes We Can", a créé un récit où chaque citoyen devenait acteur d’un futur désirable. Taylor Swift, à travers ses chansons, transforme ses épreuves personnelles en histoires universelles de résilience. A 34 ans, elle est la première chanteuse à avoir franchi une fortune de plus d’un milliard de dollars. Dans les textes du rappeur Eminem, c’est une lutte sans fin pour échapper à ses démons. Il a venu plus de 200 millions d’albums au cours de sa carrière.
Dominique Christian, dans La Stratégie du récit, souligne que le rôle d’un leader est de transformer sa vision en un récit émotionnel, reliant les objectifs aux valeurs profondes de l’organisation et créant ainsi un sens collectif. Il ajoute qu’un récit puissant a besoin d’un adversaire, d’un défi à relever, d’une force à surmonter, d’une quête. Et aussi, bien sûr, d’alliés.
Donald Trump a bâti son ascension en désignant l’élite et les médias corrompus comme ennemis du "bon peuple américain", tout en appelant à un rêve de grandeur passée. De son côté, Volodymyr Zelensky a mobilisé l’Ukraine face à l’invasion russe en racontant une histoire de résistance et de courage. À l’inverse, Vladimir Poutine a construit son propre récit, celui d’une Russie menacée par l’Occident, créant ainsi un cadre narratif légitimant son pouvoir.
Les récits de héros ordinaires ont aussi un immense pouvoir d’identification. Dans la saga Rocky, un boxeur raté, grâce à son « œil du tigre », surmonte des défis extraordinaires. Jay-Z, en racontant son ascension des rues de Brooklyn jusqu’au sommet de l’industrie musicale, montre que chacun peut transcender ses origines pour réussir. Ce type de storytelling résonne profondément auprès de ceux qui cherchent à surmonter les obstacles de la vie.
Bruno Bettelheim, dans Psychanalyse des contes de fées, montre que les récits offrent des cadres qui aident à surmonter les défis. Les leaders qui maîtrisent cette capacité ne gèrent pas seulement des équipes, ils construisent une vision collective et mobilisatrice. Ils transforment leurs équipes en héros de leur propre histoire, et parviennent même à embarquer leurs clients. C’est là le talent ultime du storytelling : valoriser les contributions individuelles en les intégrant dans une aventure collective où chacun se sent important et essentiel.
Finalement, que ce soit en politique, dans la culture ou dans le business, diriger, c’est aussi raconter, mais raconter une histoire efficace, les linguistes diraient un récit performatif. Diriger, c'est bien plus que gérer : c'est captiver, fédérer, et donner du sens.
Références :
• Christian, D. (1998). La Stratégie du récit. Maxima. URL : https://www.decitre.fr/livres/compter-raconter-la-strategie-du-recit-9782840011590.html?srsltid=AfmBOorDNsowM_TPQG4tC8yXFTmP1DD4IQ-0bKsdrM8XKNc_zRbLdHws
• Bettelheim, B. (1976). Psychanalyse des contes de fées. URL : https://www.amazon.fr/Psychanalyse-contes-fées-Bruno-Bettelheim/dp/2266095781
Publié le jeudi 07 novembre 2024 . 5 min. 34
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