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Il est grand temps d’arrêter de tourner autour du pot. Le modèle d’exonérations de cotisations sociales, destiné à alléger le coût du travail pour relancer l’emploi, est aujourd'hui devenu un fardeau pour l’économie française. C’est la conclusion d’Antoine Bozio et Étienne Wasmer, dans leur rapport d’octobre 2024 intitulé « Les politiques d’exonérations de cotisations sociales : une inflexion nécessaire ». Dans cet épais document de 300 pages, ils n’épargnent aucun détail sur la profonde inefficacité de ce système et les réformes attendues. Plus de trente ans après l’introduction des allègements, la question n’est plus de savoir s’il faut réformer, mais comment faire pour éviter de tomber encore plus bas.
Bozio et Wasmer n’y vont pas par quatre chemins : le remède est devenu poison. Ce qui fonctionnait dans les années 1990 ne correspond plus à la réalité du marché du travail actuel. Les exonérations de cotisations sociales, instaurées à une époque de chômage massif, visaient à protéger les travailleurs les moins qualifiés et à stimuler leur emploi. Cependant, dans un marché de plus en plus polarisé, cette politique a conduit à une stagnation des salaires, notamment pour les travailleurs proches du Smic. Pire encore, les auteurs soulignent que cette mesure, censée encourager l'emploi, a maintenant des effets pervers : elle bloque la progression salariale et dissuade les entreprises de promouvoir leurs employés.
En 2023, les exonérations ont coûté 75 milliards d’euros à l’État. Pour les auteurs du rapport, elles sont coûteuses et peu efficaces. Bien que les résultats en matière d'emploi soient positifs dans les années 1990, leur impact aujourd'hui est bien moindre. Les travaux de Bozio et Wasmer montrent que ces politiques bénéficient principalement aux employeurs et créent un écrasement des salaires, réduisant ainsi les incitations à investir dans la formation et l’évolution professionnelle. Cette stagnation des bas salaires est non seulement une trappe pour les travailleurs, mais elle limite aussi les gains de productivité à long terme.
Alors, faut-il réformer ou se résigner ? Les propositions du rapport sont claires : réduire la pente des exonérations pour encourager les progressions salariales et rééquilibrer le barème au profit des salaires intermédiaires. Les auteurs préconisent une approche à budget constant pour limiter l'impact sur les finances publiques, mais la question demeure : qui sera prêt à supporter cette charge ? Il semble inévitable que certaines catégories de travailleurs verront leurs cotisations augmenter. Mais à quel prix pour la cohésion sociale ?
Bozio et Wasmer n’hésitent pas à le dire : les trente ans de politique d’allègement des cotisations ont fait leur temps. Si l’État persiste à prolonger ce modèle sans réforme, la France continuera à payer cher pour un dispositif obsolète. Quant à savoir si ces réformes suffiront à relancer une véritable dynamique salariale, c’est le doute qui plane.
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