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Voici, deux informations qui se percutent, deux tendances qui s’entrechoquent avec d’un côté depuis le bureau ovale, et en présence de Donald Trump, l’armateur français CMA CGM qui met sur la table 20 milliards de dollars d’investissement aux États-Unis. Et de l’autre, l’inquiétude montante des investisseurs américains en France. À la question : pensez-vous que l’évolution du contexte économique en France pour votre secteur d’activité dans les 2-3 années à venir sera : positive, stable ou négative ? 45% des patrons de filiales américaines installées dans l’Hexagone anticipent une évolution négative, un chiffre en hausse de plus de 20 points en un an.
Le protectionnisme américain réoriente les flux d’investissements
L’offensive protectionniste de Washington, avec ses tarifs douaniers quasi prohibitifs, n’est pas étrangère à ce virage américain. Le phénomène ne date pas d’hier. Depuis une dizaine d’années, les grands groupes européens – et français en particulier – lorgnent de l’autre côté de l’Atlantique. Les raisons sont multiples ; il y en a de trois sortes. D’abord certaines régions ont beaucoup perdu de leur attrait comme relais de croissance de marchés européens à bout de souffle. Deux principalement : la Chine, passée d’Eldorado à désillusion. Longtemps terre promise des multinationales occidentales, l’Empire du Milieu est aujourd’hui en perte de vitesse : gestion catastrophique de la crise sanitaire, mainmise politique de plus en plus dure, incertitudes économiques et tensions géopolitiques croissantes, le cocktail est explosif et fait fuir les investisseurs. Quant à la Russie, c’est porte fermée depuis sa mise au ban international.
Les États-Unis offrent un marché plus sûr et plus dynamique
La volonté des grands groupes de se positionner sur des marchés moins risqués est pleinement profitable à l’Oncle Sam, dont l’immense marché domestique progresse nettement plus rapidement que celui de l’Europe avec, jusqu’à peu, des perspectives de croissance nettement plus favorables. L’autre atout est une histoire de coût. Grâce à l’abondance de gaz de schiste dans le pays, les entreprises installées aux États-Unis bénéficient d’une énergie bon marché. Le prix du gaz spot y est près de 4 fois inférieur ; sur les 12 derniers mois et sur les marchés spot, l’électricité étant en moyenne de 30€ du MWh aux États-Unis quand il était deux fois plus élevé en France et trois fois supérieur en Allemagne. C’est évidemment une donnée clé pour les industries énergivores, mais aussi par effets de second tour pour toutes les entreprises installées sur le territoire américain.
La politique industrielle américaine séduit toujours plus d’investisseurs
Troisième variable à intégrer dans l’équation, la mise en œuvre d’une politique publique pro-business et industrielle comme l’Inflation Reduction Act. Un vaste plan de subventions et d’incitations fiscales destiné aux entreprises, initié sous la mandature Biden, afin de renforcer l’attractivité industrielle des États-Unis en liant clauses de localisation de la production aux États-Unis et incitations fiscales. Les investissements des entreprises européennes aux États-Unis sont passés de moins de 30 milliards de dollars en 2022 à plus de 61 milliards en 2024. La capacité d’innovation et l’investissement dans la R&D, la flexibilité du marché du travail sont aussi à intégrer dans l’équation. Et il faut ajouter maintenant les nouvelles promesses de Donald Trump d’abaisser l’IS mais aussi l’impôt sur les grosses fortunes afin d’attirer entreprises, dirigeants et talents.
En face, l’Europe et plus encore la France se retrouvent avec une fiscalité pesante, un climat social tendu, un coût de la main-d’œuvre jugée coûteuse et une bureaucratie écrasante. Donald Trump ne rend pas les États-Unis attractifs, mais juste plus attractifs encore. Il ne transforme pas le pays, il accentue l’écart.

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