Xerfi Canal présente l'analyse de Thibault Lieurade, journaliste Xerfi Canal
La rupture conventionnelle coûte de plus en plus chère. Les règles ont encore changé le 1er janvier 2013 sur cette procédure, qui avait instauré en 2008 la rupture à l'amiable dans l'entreprise avec ouverture des droits au chômage pour le salarié. Avec succès : 300 000 cas en 2012, 20 000 de plus qu'2011. L'objectif, c'était de mettre fin aux situations de guérilla entre un salarié et une entreprise lorsqu'ils ne veulent plus travailler ensemble. Le salarié démotivé avait en effet tendance à en faire le moins possible en attendant son licenciement tandis que l'entreprise alignait les sanctions en vue de la procédure aux prud'hommes. Mais depuis janvier 2013, mener cette guérilla est presque la meilleure option. Voyons pourquoi.
Au préalable notons que le principe fiscal reste le même : les indemnités sont exonérées d'impôt sur le revenu jusqu'à une certaine limite. Deux seuils sont en fait calculés : deux fois le salaire annuel brut ou 50% de l'indemnité. C'est le plus élevé qui est retenu. Notons pour être tout à fait juste que nous excluons le cas d'un salarié pouvant partir à la retraite.
Passons maintenant aux cotisations sociales. Ce sont elles qui alourdissent la facture car le plafond d'exonération a été abaissé. Depuis 2011, il équivaut à deux fois le Plafond Annuel de la Sécurité sociale (PASS) contre 6 fois auparavant. Autrement dit, au-delà de 74 000 euros (contre 220 000 précédemment), toutes les sommes sont soumises à cotisations salariales et patronales. Depuis 2013, autre changement : l'employeur doit payer un forfait social qui correspond à 20% de la fraction de l'indemnité de rupture exonérée.
Prenons un exemple pour comprendre la perte. Un cadre supérieur a un salaire brut de 50 000 euros par an. Il négocie une rupture conventionnelle. La convention collective fixe son indemnité à 40 000 euros. Mais son employeur, grand seigneur, lui en accorde 100 000. L'employé n'aura pas à payer l'impôt sur le revenu : il est à la limite de deux fois son salaire. Avec ces 100 000 euros, jusqu'en 2012, il n'aurait pas dû payer de cotisations sociales, en dehors de la CSG/CRDS, qui s'applique sur le montant excédant l'indemnité légale de licenciement fixée par la convention collective ou la loi. Donc 4 800 euros dans notre cas : 8% de 60 000. Mais il est aujourd'hui au-dessus du seuil de 2xPASS (74 000 euros) et il va payer 8700 euros. D'abord, La part au-dessus de 2xPASS, 26 000, va donc être soumise à un taux de de 23% correspondant aux charges salariales, soit 6 000 euros. Et il fait ajouter 2700 euros de CSG/CRDS sur le restant (76 000-40 000=34 000*8% = 2700). Le salarié touchera donc au total 91 300.
C'est 3900 euros de moins que s'il avait négocié sa rupture un an plus tôt. Quant à l'employeur, il doit d'abord payer 11700 euros, 45% de charges patronales sur les 26 000 euros, la part non exonérée. Et puis il y 15 200 euros de forfait social, soit 20% de l'indemnité non soumise aux cotisations sociales, soit 76 000*20%. Le coût total sera donc d'environ 127 000 euros contre 100 000.
Ce durcissement a pour but de combattre les ruptures conventionnelles abusives. Il faut aussi reconnaître que c'est un dispositif qui coûte cher à l'Etat, bien désabusé : 4 salariés sur 10 ayant recours à la rupture conventionnelle sont des cadres, très minoritaires parmi les salariés, qui sont les grands bénéficiaires de cette mesure. Ce qui gonfle avec démesure le montant des indemnités-chômage pour cette catégorie à salaires? et indemnités plus élevées. Mais il serait bien dommage de prendre le risque de reprendre le chemin de la guérilla et des ruptures conflictuelles qui se terminent en transaction? ou devant les tribunaux prud'homaux.
Thibault Lieurade, Rupture conventionnelle : abus et désabus, une vidéo Xerfi Canal
Publié le jeudi 11 juillet 2013 . 4 min. 22
Mots clés :
Emploi, salaires, travail
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