Connexion
Accédez à votre espace personnel
Recevez nos dernières vidéos et actualités quotidiennementInscrivez-vous à notre newsletter
ÉCONOMIE
Décryptages éco Intelligence économique Intelligence sectorielle Libre-propos Parole d'auteur Graphiques Notes de lecture
STRATÉGIE & MANAGEMENT
Comprendre Stratégies & Management A propos du management Parole d'auteur
IQSOG
RUBRIQUES
Économie généraleFranceEurope, zone euroÉconomie mondiale Politique économique Emplois, travail, salairesConsommation, ménagesMatières premières Finance Géostratégie, géopolitique ComprendreManagement et RHStratégieMutation digitaleMarketingEntreprisesFinanceJuridiqueRecherche en gestionEnseignement, formation
NEWSLETTERS
QUI SOMMES-NOUS ?

Voir plus tard
Partager
Imprimer

A partir du 6 mars 2020, la crise du Covid19 a nécessité la mise en place de plans blancs dans les hôpitaux français. Ces plans blancs sont prévus par une loi de 2004 et sont mis en place en cas de situation sanitaire exceptionnelle. Ils permettent notamment d’organiser la gestion du personnel soignant et administratif, d'ouvrir davantage de lits et de déprogrammer certaines opérations non indispensables.


Dans les hôpitaux français, de manière inattendue, la mise en place de ces plans blancs est intervenue à la suite de mouvements sociaux (grève des urgences, manifestation inter-catégorielle, démission des chefs de service), qui se prolongeaient depuis plus d'un an. Au-delà des demandes de moyens supplémentaires, ces mouvements portaient en germe un épuisement des personnels dans des établissements dont une partie non négligeable de l’organisation médicale repose sur la bonne volonté et les initiatives des personnels.


Dans le cadre d’une étude sur la gestion de l’absentéisme commandée par la direction d’un Centre Hospitalier Universitaire (CHU) français et débutée fin 2018, nous avions eu l’occasion de recueillir auprès des cadres de santé de cet établissement à la fois, leur analyse de la situation de l’absentéisme dans leurs services, mais aussi les moyens mis en œuvre pour y faire face. Nous avions constaté l’existence d’un important isolement managérial des cadres face à la gestion de l’absentéisme qui les obligeait à mobiliser, dans l’urgence, un grand nombre de subterfuges assimilables à du bricolage (Levi-Strauss, 1966) organisationnel (Duymedjian et Rüling, 2010 ; Dasu et Besa, 2013).


Aujourd’hui, avec la crise du Covid19, ce bricolage organisationnel, pour gérer l’absentéisme, rentre en forte résonnance avec les plans blancs et leur gestion stratégique et optimisatrice pilotée par la direction des établissements à travers plusieurs cellules de crise. Les plans blancs dans les hôpitaux n’ayant qu’une durée limitée à la période de crise, on peut penser que le bricolage reprendra ses droits à la fin de la crise. Néanmoins, des incertitudes pèsent sur la durée de l’épidémie du Covid19 mais aussi sur la manière dont les décideurs publics gèreront l’après crise dans les hôpitaux. Aussi, des évolutions dans les modes de gestion de l’absentéisme pourraient également apparaitre à l’hôpital. 


Dans ce travail, nous tentons de répondre à la question suivante : la gestion de l’absentéisme dans les hôpitaux français peut-elle évoluer à la suite de la crise du Covid19 ?


Nous essayons de répondre à cette question, à partir de l’étude de cas de la gestion de l’absentéisme dans un CHU de province comptant 7700 salariés (dont 5500 soignants) et regroupant 1900 lits d’hospitalisation dans 15 pôles et 73 services. L’étude commandée par l’établissement s’est déroulée sur une période 7 mois de décembre 2018 à fin juin 2019 et elle portait sur le plus grand des trois sites du CHU qui compte 900 lits dans 6 pôles et 35 services. Pour mener cette étude, un plan d’intervention a été construit avec les porteurs du projet (direction de l’établissement, direction des ressources humaines, chefs de pôles concernés). Celui-ci prévoyait trois réunions périodiques avec les porteurs de projet et deux réunions plénières avec les cadres des services médicaux concernés. Ces réunions ont fait l’objet de compte rendus systématiques et de la tenue d’un journal de bord. Au commencement de l’étude, des informations statistiques relatives à l’absentéisme dans l’établissement ont été mis à notre disposition et, dernièrement, à notre demande, afin de finaliser notre étude, nous avons pu accéder au guide du plan blanc mis en place dans l’établissement au cours de la crise du Covid19 ainsi qu’aux informations transmises aux cadres de santé par la cellule de crise « Gestion de l’absentéisme et des moyens de remplacement ».


A partir de ces données et du cadre d’analyse du bricolage organisationnel (Duymedjian et Rüling, 2010 ; Desa et Basu, 2013 ; Jaouen et Nakara, 2014), l’objectif de ce travail est d’analyser les modalités de gestion de l’absentéisme dans les services de cet établissement avant la crise du Covid19 et de les confronter aux caractéristiques du plan blanc actuellement en vigueur.


L’absentéisme à l'hôpital constitue un enjeu important pour les hôpitaux publics (Devigne et al, 2016) car il se situe (toutes catégories confondues) entre 7 et 10% des heures travaillées, jusqu’à 14% dans certains établissements (Achmet et Commeiras, 2018). Ces problèmes d’absentéisme dans les hôpitaux restent particulièrement difficiles à gérer de façon globale et coordonnée par les directions générales et RH des établissements. Dès lors, souvent par nécessité, les cadres des services mobilisent un ensemble d’astuces et d'outils managériaux assimilables à du bricolage organisationnel.


L'ouvrage de Claude Lévi-Strauss, « la pensée sauvage », introduit la notion de « bricolage » définie comme « faire les choses avec ce qui est à portée de main » (Levi-Strauss 1966, p.17). Les notions de « répertoire » de « dialogue » sont au centre de l'idée de bricolage de Lévi-Strauss. Le répertoire consiste en des ressources matérielles et immatérielles collectées progressivement par les « bricoleurs ». Le « dialogue » étant la manière avec laquelle le ou les « bricoleurs » considèrent et reconsidèrent les éléments du répertoire en les partageant ou non avec leur entourage.


A partir de l’analyse de Levi-Strauss, des travaux en management (Baker et Nelson, 2005 ; Phillips et Tracey, 2007 ; Desa, 2012) ont développé le concept de « bricolage organisationnel » défini comme la combinaison de ressources disponibles destinée à lever des contraintes ou créer de nouvelles opportunités (Baker, 2007).


Desa et Basu (2013) distinguent deux catégories de bricolage organisationnel. D’une part, le bricolage par nécessité qui est une pratique provisoire qui contraint à faire avec « les moyens du bord » (Desa et Basu, 2013). D’autre part, le bricolage stratégique qui n’est pas une contrainte mais un choix visant à recombiner des ressources rares ou difficiles d’accès afin de créer de la valeur (Desa et Basu, 2013).


De leurs côtés, Duymedjian et Rüling (2010) identifient deux formes de bricolage organisationnel : le bricolage individuel limité à l’initiative d’individus isolés et le bricolage collectif porté par un groupe d’individus (ibid.).


La combinaison de ces deux approches apparait particulièrement fertile pour construire une analyse dynamique de ce bricolage, dans l’espace et dans le temps, comme l’étude d’une situation de gestion le suggère (Girin, 1990 ; Aggeri, 2017). En effet, d’une part, la distinction bricolage individuel/collectif permet d’effectuer une lecture, dans l’espace, des activités de bricolage en les distinguant selon les caractéristiques des répertoires et les dialogues mis en œuvre (Levi-strauss, 1966 ; Duymedjian et Rüling (2010). La distinction bricolage par nécessité/bricolage stratégique autorise, de son côté, une lecture dans le temps, en permettant de percevoir les évolutions et les transformations de ces répertoires et dialogues. 
La mobilisation, sur les données de notre étude, de ce cadre conceptuel nous permet de distinguer au moins trois formes de bricolage pour gérer l’absentéisme dans l’établissement étudié. Un bricolage individuel (auto-remplacement, auto-ajustement et mobilité interservices) géré par les personnels soignants (Devigne et al., 2014). Un bricolage collectif familier (intérim des personnels soignants et médecin, fermetures de lits, de services et transferts de patients en période de pénurie de personnels) construit de manière informelle entre les bricoleurs individuels, mais accepté voire incité par la direction de l’hôpital. Enfin, face à des dysfonctionnements récurrents et généralisés (Devigne et al, 2016), un bricolage collectif conventionnel régi par des outils et des conventions de bricolage construits directement par la direction de l’établissement (« pool de remplacement » des personnels, application numérique de gestion des remplacements tel que l’application « Whoog »).


Nos analyses révèlent également que ces trois formes de bricolage ne sont pas statiques. Par exemple, un bricolage individuel peut devenir progressivement collectif si les répertoires de chaque individu deviennent partagés par un grand nombre de personnels. Un bricolage familier peut également devenir conventionnel lorsqu’un établissement l’entérine par convention expresse ou tacite.


De plus, la confrontation de ces premiers résultats avec la constitution du plan blanc Covid19 dans cet établissement, nous permet d’entrevoir les évolutions que pourraient connaitre ces trois formes de bricolage. Même si ces analyses présentent un caractère prospectif, notre étude en profondeur des caractéristiques du bricolage pour gérer l’absentéisme à l’hôpital nous autorise une lecture relativement précise des évolutions futures de ces pratiques.


Pensé comme une recherche d’optimisation des ressources, il apparait que, dans la pratique, le plan blanc de l’établissement s’appuie sur les bricolages de gestion de l’absentéisme existants (pool de remplacement, application « Whoog », intérim, auto-remplacement).


A la suite de cette crise, l’organisation stratégique du plan blanc va disparaitre mais les outils de bricolage vont perdurer en ayant acquis une visibilité et une dimension stratégique plus affirmées. Les collaborations nouées entre les services durant la période de crise ne vont pas non plus disparaitre de manière abrupte. Notre modèle conceptuel laisse entrevoir, qu’au lieu d’être confinés à des pratiques provisoires, locales et parfois opaques, les outils de bricolage identifiés pourront adopter peu à peu certaines caractéristiques du bricolage stratégique notamment à partir de la visibilité et l’orientation stratégique que leur a donné, dans cet établissement, le plan blanc Covid19.


Téléchargez l'application


Les dernières vidéos
Recherche en gestion

x
Cette émission a été ajoutée à votre vidéothèque.
ACCÉDER À MA VIDÉOTHÈQUE
x

CONNEXION

Pour poursuivre votre navigation, nous vous invitons à vous connecter à votre compte Xerfi Canal :
Déjà utilisateur
Adresse e-mail :
Mot de passe :
Rester connecté Mot de passe oublié?
Le couple adresse-mail / mot de passe n'est pas valide  
  CRÉER UN COMPTE
x
Saisissez votre adresse-mail, nous vous enverrons un lien pour définir un nouveau mot de passe.
Adresse e-mail :