Les dirigeants politiques, tout comme les stratèges militaires ou les chefs d'entreprise, tombent souvent dans le piège de vouloir trop maîtriser. Et pourtant, vouloir tout contrôler est une illusion périlleuse. Les leaders élaborent des plans minutieux, persuadés qu’ils peuvent dominer les forces en jeu, ignorer les dynamiques imprévisibles de la société, et manipuler les événements avec des analyses, des plans et des scénarios.
Mais cette quête de contrôle total est une chimère. Plus on cherche à tout régir, plus on s’expose aux aléas et aux surprises. C’est un paradoxe fondamental que des penseurs, comme Edward Luttwak, ont depuis longtemps mis en lumière dans le domaine militaire, et qui s’applique tout autant à la politique.
Luttwak, dans son ouvrage "Le Grand Livre de la Stratégie", qui vient d’être réédité en français, expose le concept du "paradoxe de la stratégie". Il souligne que plus une stratégie cherche à tout maîtriser, plus elle risque de se retourner contre elle-même. Cette logique est omniprésente en politique : que l’on soit Chef de l’Etat, ministre, l’un des chefs d’une opposition éclatée, un leader qui tente de trop contrôler par des manœuvres et interventions incessantes finit par susciter des résistances. Il est vite confronté à des réactions imprévues et des crises qu’il avait précisément cherché à éviter.
De fait, l'excès de plans stratégiques, de tactiques, de manœuvres, peut conduire une paralysie et s’avérer contre-productif. Les gouvernements, tout comme leurs opposants, obsédés par l'idée de tout anticiper, finissent par perdre de vue les réalités du terrain. L'incapacité à improviser face à l'imprévisible peut avoir des conséquences désastreuses, face à des crises économiques, des mouvements sociaux ou des bouleversements géopolitiques. Les acteurs politiques doivent se rappeler que leurs adversaires disposent de leur propre volonté et capacité d'adaptation. En s’obstinant dans une voie sans concession, les dirigeants se trouvent souvent désarmés face aux événements et réactions inattendues.
En politique, les attaques frontales ou insidieuses, les stratégies trop rigides ou trop ambitieuses, finissent souvent par s'effondrer sous le poids de leur propre sophistication machiavélique. Des réformes massives, des politiques d'austérité brutales ou des relances économiques trop volontaristes peuvent entraîner des conséquences inverses à celles escomptées, provoquant l’usure et l’épuisement des soutiens populaires dans une démocratie. Les opposants commettent les mêmes erreurs.
En fin de compte, la stratégie politique, tout comme la stratégie militaire ou la stratégie d’entreprise, est un art tout d’exécution. C’est un équilibre subtil entre ambition et réalisme, entre offensive et prudence. C’est le stratège prussien Karl Von Clausewitz qui dans son livre, « DE LA GUERRE », publié en 1832, affirmait déjà que la défense avait un avantage stratégique sur l’attaque.
Dans un contexte tourmenté, le véritable art politique consiste à savoir mesurer ses forces, à reculer pour mieux avancer, et à s’adapter en permanence à un environnement en perpétuelle évolution.
Publié le vendredi 27 septembre 2024 . 4 min. 16
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