"Vous êtes associé-fondateur de P-Val Conseil, qui accompagne ses clients dans leur transformation digitale. D’expérience, vous avez ciblé les erreurs les plus fréquemment commises par les entreprises dans leur passage de ce que vous appelez leur « Monde ancien » à « un Monde de performance digitale »...
Oui… L’enjeu n’est pas d’y aller ou pas. Il est de se transformer mieux et plus vite que ses concurrents actuels et nouveaux. Celui qui gagnera est celui qui sera le plus synchrone avec le Monde externe, celui des clients. Aujourd’hui, la transformation est trop souvent abordée par le levier technologique : le «techno push ». Cette dérive coûte cher, avec des projets qui ne sont pas toujours adossés à de réels besoins clients et à la rentabilité incertaine, quand ce n’est pas juste un slogan du type Réseau social d’entreprise pour paraître branché.
Quels sont les fautes de raisonnement qui conduisent à faire fausse route et à opter pour ces solutions « cosmétiques » ?
Eh bien je citerai trois péchés capitaux. D’abord l’Orgueil. Je veux dire par là que certains managers croient que leur business modèle est à l’abri et qu’ils auront le temps de s’adapter. Pensez aux Majors de la Musique, aux Taxis, à Kodak ou à Nokia !
Il faut aussi admettre que la transformation digitale nécessite des investissements lourds et que les entreprises ont besoin de temps pour le réaliser…
C’est vrai, nos études montrent d’ailleurs qu’il faut investir 6% de son CA sur deux ans pour réussir une réelle transformation digitale. Mais pour moi, l’Avarice est le deuxième péché capital. Par avarice, je veux dire la croyance que le digital c’est annexe, pas cher, un truc de start-up. Cela coute cher, très cher, pour tous… Demandez à Amazon !
Avec un retour sur investissement incertain…
Oui, mais c’est une considération du Monde ancien. Je cite souvent l’ex-patronne de Burberry, Angela Ahrendts qui illustre cette opposition entre Monde ancien et Monde de performance digitale. Elle a utilisé le levier du digital pour rattraper les leaders du luxe, donc avec une réelle finalité stratégique. Elle raconte qu’elle a licencié son Directeur Financier quand il lui a demandé un ROI pour chaque investissement digital. Bizarre, me direz-vous… Mais en appliquant cette logique d’un monde industriel, de la certitude, il coupait les ailes de toutes innovations.
Le passage vers le Monde de performance digitale demande donc à sortir de sa zone de confort…
Oui, et c’est le 3ème péché capital : celui de la paresse. Les entreprises pensent trop souvent qu’elles sauront faire seules, à leur rythme, avec leurs bagages. C’est faux. Si votre R&D vous dit qu’il faut 2 ans pour sortir un nouveau produit et que la Silicon valley le sort en 4 mois, c’est bien qu’il y a nécessité à repenser les process make or buy et développer des partenariats ouverts pour accélérer.
Orgueil, avarice, paresse…Comment expliquer ces péchés dans les entreprises ?
Je pense qu’il s’agit d’un problème de posture du dirigeant. Aujourd’hui, les managers sont issus du Monde ancien. Ils ne comprennent pas forcément les enjeux de la transformation digitale et n’ont pas beaucoup de temps à y consacrer. C’est pourquoi ils peuvent se complaire dans des petits projets, histoire de dire qu’ils sont effectivement dans le Monde digital, ce qui n’est pas vrai.
Alors comment changer les mentalités ?
Eh bien une expérience que nous menons par exemple, c’est d’organiser des séminaires d’une journée pour changer de perspective sur la transformation digitale. Nous rassemblons une équipe de direction dans son ensemble pour clarifier les impacts sur leur Monde actuel et préparer leur projection dans un Monde de performance digital. La démarche est très interactive. Le focus est mis sur ce qui change dans le business, pas sur les technologies. C’est un langage mieux compris et donc plus efficace pour faire évoluer les mentalités !"
Laurent Dugas, Les 3 péchés capitaux de la transformation digitale, une vidéo Xerfi Canal TV
Publié le lundi 09 mars 2015 . 4 min. 45
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