Quel est le point commun entre la France, l’Italie et la Slovaquie ? Et bien, sur les 20 pays ayant adopté l’euro, ce sont les seuls qui, depuis 1995, n’ont jamais été capables de présenter un seul budget positif. Pour la France, il faut remonter en 1974, soit un bond de 50 ans en arrière, pour en trouver trace. Il faut entendre par solde public le solde de l’ensemble des administrations publiques regroupant l’État, les collectivités locales et la Sécurité sociale. Afin de pouvoir établir des comparaisons sur un temps long et entre pays, il convient de présenter ce solde en pourcentage du PIB et comparer la France à la médiane des 19 autres États membres de la Zone euro.
Les années pré-euro : une réduction générale des déficits
La médiane est la mesure statistique séparant en deux parties égales un ensemble ; la moitié inférieure se situe en dessous de la valeur de la médiane, l’autre au-dessus. Cinq ans avant l’adoption effective de l’euro, la période est marquée par une réduction générale des déficits publics. Les pays candidats à la monnaie unique sont en effet tenus de remplir les critères de Maastricht qui comprenaient des exigences strictes en termes de déficit budgétaire, de dette publique, de stabilité des taux de change, de convergence des taux d’intérêt et de maitrise de l’inflation. Bref, la politique économique se résume en un tour de vis général. La comparaison est à l’époque même flatteuse pour l’Hexagone grâce à la forte accélération de sa croissance à partir de 1997 et des taux d’intérêt réels plus bas qu’ailleurs.
2000-2009 : les comptes se dégradent
L’explosion de la bulle internet en 2000 casse la dynamique et dégrade les comptes un peu partout. La parenthèse sera vite refermée dans la plupart des économies eurolandaises qui profitent ensuite de l’amélioration de la conjoncture pour assainir leurs comptes : Allemagne, Espagne, Belgique, Irlande sont alors excédentaires. La France fait un autre choix, celui d’une baisse ciblée de la fiscalité non financée par des baisses de dépenses : la fameuse loi TEPA. Résultat, elle aborde le cataclysme de 2008-2009 avec un déficit qui flirte avec 3%, alors même que l’économie est en haut de cycle. Avec la grande récession, les interventions de soutien public font exploser les déficits en France comme ailleurs. Ils culminent à plus de 7% sous le gouvernement Fillon.
Années 2010 : de la crise de la dette souveraine aux gilets jaunes
Grâce à un nouvel épisode de consolidation et au léger souffle de croissance, le déficit public français passe sous le seuil des 3% en 2018. L’amélioration est toutefois poussive au regard d’un alignement des planètes exceptionnellement favorable : taux d’intérêt au plus bas, baisse du prix du pétrole, dépréciation de l’euro. Elle est aussi poussive par rapport à nos voisins, principalement du Sud qui, sous commandement de la Troïka (composée du FMI, de la Commission Européenne et de la BCE) empilent les plans d’austérité pour mettre fin à la défiance des investisseurs qui avait conduit à la crise de la dette souveraine. Le redressement des comptes reste aussi une priorité dans les pays du Nord qui dégagent pour la plupart à nouveau des excédents. Alors que l’amélioration se poursuit en zone euro l’année suivante, c’est la rechute en France conséquence d’une croissance en berne mais aussi de l’impact de la transformation du CICE en baisse de charges et du contrecoup des mesures d’urgence pour répondre au mouvement des « gilets jaunes ». La barre des 3% est de nouveau atteinte et jamais l’écart avec nos partenaires n’a été aussi important.
Covid-19 : le « quoiqu’il en coûte »
Survient alors la crise de la Covid-19. Paralysée par plusieurs semaines de confinement, l’économie française décroche. Face à l’urgence, les gouvernements Philippe puis Castex multiplient les mesures de soutien alors que les rentrées fiscales s’évaporent. Le rétablissement des finances publiques passe après la relance économique. C’est la mise en place du « quoiqu’il en coûte » et le déficit public échappe à tout contrôle. Il faut changer d’échelle car il représente 9% du PIB, du jamais vu en temps de paix. La France n’est pas un cas unique, l’Europe entière est prise dans ce même mouvement et tous les pays appliquent peu ou prou les mêmes remèdes.
La dérive des comptes depuis 2023
Le rebond de l’économie en 2021 permet ensuite un début d’amélioration des finances publiques françaises et ramène le déficit à 6,5% du PIB puis à 4,8% en 2022. Une amélioration loin des ambitions du gouvernement, mais c’était sans compter sur la guerre en Ukraine et l’envolée des prix de l’énergie qui l’ont conduit à remettre la main au portefeuille, ici plus qu’ailleurs.
Puis c’est l’électrochoc de 2023. Avec des recettes fiscales en forte décélération et des dépenses en forte progression. Le déficit français replonge à 5,5% (au lieu des 4,9% prévus) alors qu’il se stabilise chez nos partenaires. L’écart se creuse à nouveau fortement avec le reste de la zone euro. La marque d’une dérive qui fait bien de la France l’un des principaux cancres des finances publiques en Europe.
Publié le jeudi 11 avril 2024 . 5 min. 07
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