Voici un petit précis de l’histoire des finances publiques de la France depuis 50 ans. Des finances publiques globalement équilibrées jusqu’au milieu des années 70. Il faut bien regarder ces points car une telle situation ne se renouvellera pas les 50 années suivantes ! C’est en 1975 que la France accuse son premier déficit public. C’est le contrecoup du choc pétrolier, c’est aussi la première tentative de relance « dite Chirac ».
Mais la forte dégradation des comptes extérieurs pousse rapidement à un changement de cap radical : Raymond Barre, en 3 plans de rigueur, redresse les finances publiques entre 1976 et 1978 mais se heurte en 1979 au 2ème choc pétrolier. Nouveau changement de cap et nouvelle tentative de relance keynésienne en 1981 : le gouvernement Mauroy rompt avec la logique de l’austérité. Mêmes causes et mêmes effets qu’en 1975 : le déficit se creuse. 1983 marque alors un nouveau tournant : celui de la rigueur. C’est la « désinflation compétitive » mais sans résultat apparent, vu la faiblesse de l’activité. La croissance repart ensuite et améliore marginalement les finances publiques de 1987 à 1990, sous les gouvernements Chirac et Rocard, sans pour autant les faire revenir à l’équilibre et camouflant même une dégradation structurelle du déficit. Après 1991, pour amortir la récession, les gouvernements Bérégovoy puis Balladur laissent filer le déficit qui casse alors le plancher des 6% du PIB en 1993. Il en représente encore plus de 5% en 1995. S’ouvre alors le long épisode de consolidation, pour se conformer aux critères de Maastricht et se qualifier à l’euro.
Grâce à l’accélération de la croissance à partir de 1997 et la baisse des taux d’intérêt réels, le gouvernement Jospin réussit à transformer l’essai : le déficit passe nettement en dessous de 3% du PIB en 1998 puis s’établit à 1,3% en 2000.
Mais l’explosion de la bulle internet casse à nouveau la croissance et dégrade les comptes. La reprise qui suit ne permet pas de redresser la situation. La faute à une croissance qui ne retrouve pas la vigueur de la fin des années 80 ou de la fin des années 90. La faute aussi et surtout à la baisse ciblée de la fiscalité, non financée par des baisses de dépenses : la fameuse loi TEPA. Résultat, la France aborde le cataclysme de 2007-2008 avec un déficit qui flirte 3%, alors même que l’économie est en haut de cycle.
Avec la grande récession de 2008-2009, les interventions de soutien public font alors exploser les déficits en France comme ailleurs. Ils culminent à plus de 7% sous le gouvernement Fillon. Grâce à un nouvel épisode de consolidation et au léger souffle de croissance, le déficit public revient sous la barre des 5% sous le gouvernement Ayrault. Début 2014, un nouveau virage est pris. Le redressement des comptes ne relève plus de l’impôt mais des économies de dépense. Un vœu pieu : l’amélioration du solde public est poussive au regard d’un alignement des planètes exceptionnellement favorable : taux d’intérêt au plus bas, baisse du prix du pétrole, dépréciation de l’euro. Le déficit est seulement ramené à 3,6% en 2016.
Mais il revient très vite au seuil emblématique de 3% en 2017 pour la première fois depuis 10 ans. Cette baisse du déficit tient d’abord au rebond des recettes dans le sillage de la croissance, en forte hausse à 2,4%, et au faible étiage des taux d’intérêt à 10 ans, bloqués à moins de 1%. Sur sa lancée, le déficit est ramené à 2,3% en 2018, soit son plus bas niveau depuis 2001. La France sort par la même de la procédure pour déficit excessif ouverte contre elle par la Commission Européenne en 2009.
Mais c’est la rechute : croissance en berne, impacts de la transformation du CICE en baisse de charges, contrecoups des mesures d’urgence pour répondre au mouvement des « gilets jaunes », la barre des 3% est de nouveau atteinte en 2019. Survient alors, la crise de la Covid-19. Paralysée par deux mois de confinement, l’économie française décroche. Face à l’urgence, les gouvernements Philippe puis Castex multiplient les mesures de soutien alors que les rentrées fiscales s’évaporent avec la crise. Le rétablissement des finances publiques passe après la relance économique. La crise sanitaire et ses conséquences bouleversent la doxa budgétaire, c’est la mise en place du « quoique qu’il en coûte » et le déficit public échappe à tout contrôle. Il faut changer d’échelle car cela représente 9% du PIB, du jamais vue en temps de paix.
Le rebond de l'économie en 2021 permet un début d'amélioration des finances publiques et ramène le déficit à 6,5% du PIB puis à 4,7% en 2022. Une amélioration loin des ambitions du gouvernement, mais c'était sans compter sur la guerre en Ukraine et l'envolée des prix de l'énergie qui l’ont conduit à remettre la main au portefeuille et près de -5% sont encore prévus cette année.
La tendance de ces 50 dernières années est nettement défavorable : La succession de crises rapprochées creusent toujours plus profond le déficit, tandis que les brèves périodes de rémissions écourtent les moments de récupération. Et, si le déficit public, à quelques exceptions près, a toujours été inférieur à 3% du PIB jusqu’en 1990, il n’a été inférieur à cette limite que 9 fois depuis lors. La marque d’une dérive.
Publié le jeudi 11 mai 2023 . 5 min. 11
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