« L’éthique est l’interrogation sur la vie bonne et les valeurs qui la fondent », commence par dire Axel Kahn en se référant à la notion de « vie bonne » d’Aristote dans L’Ethique à Nicomaque. Mais sa conversation avec le journaliste Denis Lafay ne permet pas seulement au généticien et ancien président d’université d’éclairer sa notion de l’éthique face aux enjeux contemporains de la technologie, des migrations, du système économique, du transhumanisme, de la fin de vie, de l’intelligence artificielle ou encore de la sauvegarde de la planète. Ses réflexions balancées sur ces sujets montrent progressivement que la démarche éthique, faite de questionnements et de recherche du moindre mal, est aussi guidée par une boussole intime, celle de l’expérience et des legs de la vie.
Au fil des pages, l’auteur commence à se livrer et c’est dans la deuxième moitié du livre, de façon extrêmement touchante, qu’il donne en réalité les clefs de sa démarche. Résonne alors le message de son propre père avant sa mort : « Sois raisonnable et humain ». Ou celui de sa mère âgée de 90 ans : « Grâce à vous, mes trois garçons, ma vieillesse est tellement plus belle que ma jeunesse ». Dans cette éthique de vie et d’amour, il y a le reflet des blessures de la vie, et de l’humanité qu’elles ont mis à nu. Celle du suicide de son père : Axel Kahn partage avec le lecteur ce qu’il a tant de fois imaginé en son for intérieur : ce qu’il aurait aimé lui dire s’il avait pu lui parler avant son passage à l’acte.
D’une éducation catholique stricte et passéiste au militantisme de sa jeunesse au Parti Communiste, de son élan mystique de l’adolescence à une position agnostique mais amoureuse des édifices chrétiens, avec des convergences et un hommage au Pape François, Axel Kahn nous fait comprendre pourquoi il a été amené à troquer la morale, contre l’éthique et son chemin d’interrogations.
C’est le parcours du jeune homme blessé, qu’un camarade de classe dans une institution catholique avait traité de « sale Juif » pendant qu’un prof d’Histoire « maurassien attardé » regrettait l’insulte proférée à l’égard d’un non-Juif mais montrait de la complaisance pour son contenu.
Alors, le tour d’horizon des questions évoquées dans l’ouvrage est vaste : des GAFAM à la corrida, en passant par la philanthropie des plus riches ou les injustices sociales. Mais le message humain se fait de plus en plus clair : les convictions éthiques plongent dans l’expérience de la vie, la sensibilité à la souffrance aiguisée par celles qu’on a vécues, dont on a été affecté ou que l’on a connues de façon proche.
Ce n’est finalement pas d’une recette toute faite, ou d’ « éthique en toc » dont il s’agit dans ce livre, ni d’une façon de se donner bonne conscience ou de préserver son image. Mais de tracer un sillon, de rechercher une vie permettant de regarder ses rides dans sa glace, et de transmettre, comme Axel Kahn veut le faire à ses petits-enfants, un amour de la vie en dépit ses laideurs. En se dévoilant autant, au détour de considérations qui s’annonçaient presque trop générales, il nous fait un beau cadeau. Merci Axel Kahn !
Publié le mardi 9 juillet 2019 . 3 min. 16
D'APRÈS LE LIVRE :
L'éthique dans tous ses états : Dialogue avec Denis Lafay
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