Pays peuplé d’irréductibles gaulois réfractaires… inconscients, diront certains. C’est l’image renvoyée par les Français à l’étranger, notamment du fait de leur opposition farouche à toute réforme touchant l’âge de départ à la retraite. Pourtant, des communistes à Pékin à l’extrême droite à Rome, les réformes se multiplient pour le repousser afin de s'adapter à une espérance de vie croissante, une population active en déclin et un nombre de retraités en hausse. En Chine, le gouvernement a entrepris une réforme historique. Jamais, depuis 1949, l'âge de la retraite n’a été touché. C’est chose faite. La fin de la vie active pour les hommes passera progressivement de 58 à 63 ans, de 50 à 55 ans pour les femmes ayant un travail manuel et de 55 à 58 ans pour celles employées dans des bureaux. C’est une nécessité. L’Empire du Milieu fait face à un déséquilibre démographique important avec 20 millions de nouveaux retraités chaque année, contre seulement 7 millions de nouveaux actifs. Cela ne va pas aller en s’améliorant : la part des 20-64 ans, c’est-à-dire la population en âge de travailler, dans la population totale a commencé sa décrue alors que celle des plus de 65 ans grimpe en flèche.
L'Italie et d'autres pays européens prennent les devants
De l’autre côté des Alpes, l’Italie a pris les devants. Depuis les années 90, l’âge du départ à la retraite est progressivement passé de 62 à 67 ans, avec une prochaine étape en gestation : l’inscription dans le prochain budget du gouvernement Meloni de la possibilité pour les fonctionnaires de travailler jusqu’à 70 ans s’ils le souhaitent. L'Italie pourrait en outre à nouveau ajuster la cessation d’activité en fonction des augmentations de l'espérance de vie, une méthode déjà utilisée dans le passé. Ici aussi, la baisse de la population en âge de travailler, face à une augmentation des plus de 65 ans, force le pays à s’adapter. La problématique est la même en Allemagne, ce qui a conduit le gouvernement à porter le retrait de la vie active à 66 ans. Cet âge devrait atteindre 67 ans en 2029. Les Néerlandais attendent jusqu’à 67 ans pour prendre leur retraite et, à partir de 2025, l’âge légal de départ sera augmenté de 8 mois pour chaque année d’allongement de l’espérance de vie. La Slovaquie a aussi adopté ce modèle. En Suisse, une réforme récente a aligné l'âge de départ des femmes sur celui des hommes, à 65 ans.
Le danger d'ignorer les réalités démographiques
Il est possible d’égrener les exemples : en Belgique, cet âge passera de 65 ans actuellement à 66 ans en 2025, puis à 67 d’ici à 2030. De même, il augmente progressivement au Danemark, où il devrait atteindre 69 ans en 2035, ou par exemple en Espagne. Partout, les données du problème sont les mêmes : pour financer un nombre croissant de retraités avec une population active en déclin, il faut repousser l'âge de départ à la retraite. En France, non ! L’allongement de 62 à 64 ans ne passe pas dans l’opinion publique. Peu importe que les évolutions démographiques soient les mêmes que partout dans le monde.
Alors bien sûr, il est possible de jouer sur les trois autres paramètres de l’équation si la volonté est que le système de retraite s’autofinance : le nombre d’annuités nécessaire pour toucher une pension complète. Mais arrêtons l’hypocrisie : l’augmenter, c’est différer l’âge de départ. Restent donc les montants des pensions individuelles versés et/ou les montants prélevés sur chaque actif, mais c’est faire le choix d’abaisser le niveau de vie des uns et des autres. On peut desserrer la contrainte sur la population active en augmentant le flux de main d’œuvre étrangère. Les Français le rejettent.
Financer les déséquilibres par l’émission de dette publique, c’est simplement impossible. Taxer plus les ultra-riches peut fonctionner, mais ce n’est pas un mode de financement stable, avec le risque d’exil fiscal si la France est le seul pays à mettre en place une telle mesure. Le refus de voir la réalité risque de coûter cher à la France. Alors que d'autres pays choisissent des solutions pragmatiques – même douloureuses – pour équilibrer leurs systèmes de retraite, l'Hexagone semble aller droit dans le mur. Face à l’équation inévitable du vieillissement de la population, ignorer le problème aujourd’hui ne fera que rendre le choc encore plus violent demain.
Publié le jeudi 17 octobre 2024 . 4 min. 36
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d'Alexandre Mirlicourtois
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