Quel bilan après un an de tronçonneuse en Argentine ? Il faut revenir sur la personnalité du nouveau Président, Javier Milei. Économiste de formation, il fait sensation en 2019 avec son personnage de super-héros : « le général Ancap », pour « anarcho-capitaliste ». Cinq ans plus tard, l’excentrique libertarien, adepte de l’école autrichienne, école de pensée économique ultralibérale, succède à Alberto Fernandez issu de la traditionnelle gauche péroniste. La rupture est totale.
Une situation économique héritée catastrophique
Une réussite économique ne se mesure pas en termes absolus, mais relatifs. Il faut donc qualifier la situation héritée par le nouveau Président : en un mot, catastrophique ! On l’a oublié mais au début des années 30, l’Argentine faisait partie des 7 pays les plus riches du monde. Économie formidablement prospère, son PIB par tête était au niveau de celui de la France jusqu’au milieu des années 50, il est vrai marqué par les séquelles de deux guerres. En 2023, il en représentait nettement moins que la moitié, tombé au 67? rang mondial, coincé entre la Russie et la Bulgarie. Il faut y voir le fruit de décennies d’errements économiques. Finalement, à la prise de fonction de Milei, l’économie argentine c’est : une croissance négative, une inflation supersonique à plus de 200%, des finances publiques dégradées avec un déficit budgétaire supérieur à 5% du PIB et une dette à plus de 155%, des comptes extérieurs dans le rouge, un peso dévalorisé et, pour couronner le tout, des réserves de change qui ont fondu comme neige au soleil. Bref, c’est la crise économique, la plus grave depuis 2001 !
Une reprise économique spectaculaire, mais à quel prix ?
Un an après, en matière budgétaire, un assainissement des finances a été opéré et le solde public est passé au vert sur les 9 premiers mois de l’année. L’inflation mensuelle est tombée à 2,7%. C’est très élevé pour les standards européens, mais c’est le taux le plus bas depuis trois ans et la tendance est bonne. Tout un symbole : la fin du contrôle des loyers à Buenos Aires a entraîné un doublement de l'offre locative et a fait baisser le montant des loyers. Quant aux comptes extérieurs, ils sont rétablis et à nouveau en excédent. Le rebond de l’économie est aussi perceptible depuis le 2? trimestre et la croissance argentine devrait connaître un fort rebond en 2025 avec un PIB en hausse de 5% selon le FMI. Sur le papier, la copie rendue est parfaite, si ce n’est que ces bons résultats ont un coût social extraordinairement élevé.
L’amélioration des comptes publics est indéniable mais elle s’explique en grande partie grâce à une véritable décapitation des dépenses publiques : plus de 33 000 emplois publics ont ainsi été supprimés en moins d’un an, et cela va continuer (la cible étant de 50 000). Mais c’est aussi une diminution drastique des dépenses sociales avec des coupes budgétaires dans l’éducation, la santé et les services sociaux. Vient également s’ajouter le gel des projets d’infrastructures et la suspension des chantiers publics avec, à la clé, des milliers d’emplois perdus dans la construction. Et la liste ne s’arrête pas là : la fin des subventions pour les transports et l’énergie entraîne des augmentations de coûts pour le consommateur, et c’est enfin la réduction des transferts fédéraux aux provinces. Résultat du passage de la tronçonneuse, la situation sociale s’est considérablement dégradée. Selon les standards du pays, le taux de pauvreté a grimpé de moins de 42% au second semestre 2023 à près de 53% sur les 6 premiers mois de 2024, soit plus de 1 sur 2. En un semestre, 5,2 millions d’Argentins auraient ainsi basculé dans la pauvreté.
Les hydrocarbures, une bouée de sauvetage
Trop doser un remède de cheval, tue le cheval. Mais le Président dispose d’un atout pour mettre de l’huile dans les rouages ou plutôt du pétrole et du gaz de schiste. La découverte en Patagonie du gisement de Vaca Muerta, l’un des plus vastes au monde, est récente (2010). Ce sont ses prédécesseurs qui l’ont développé et mis en exploitation mais la montée en puissance et ses bénéfices c’est maintenant : 400 000 barils produits par jour (1 million prévu d’ici 2030), la tendance est la même pour le gaz et les contrats pleuvent pour développer les infrastructures et approvisionner les pays voisins. La martingale des hydrocarbures est peut-être finalement ce qui sauvera l’Argentine.
Publié le lundi 09 décembre 2024 . 4 min. 23
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d'Alexandre Mirlicourtois
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