Ce n’est pas encore une déferlante, mais la vague des défaillances monte. Plus de 55 000 procédures ont été ouvertes l’année dernière, qu’il s’agisse d’une sauvegarde, d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire, dépassant le chiffre de 2019. La poussée est telle que la barre des 60 000 a été franchie depuis avril dernier en cumul sur 12 mois, laissant présager une année 2024 record. Il est toujours possible de minimiser le phénomène en qualifiant la hausse de légère par rapport à la moyenne de 2010-2019 ; que finalement beaucoup de défaillances sont un simple rattrapage hérité du soutien massif accordé aux entreprises pendant et juste après la crise de la Covid. Après tout, selon nos propres estimations à Xerfi, calées sur la sinistralité des 5 années précédant la crise sanitaire, il manque à l’appel environ 60 000 défaillances sur la période 2020 et 2023. Le rattrapage est donc encore incomplet, c’est un fait.
Un contexte difficile
L’explosion des créations d’entreprises ces dernières années, sous l’impulsion notamment du succès du statut des micro-entrepreneurs, en est un autre. Ces jeunes pousses sont particulièrement vulnérables. En moyenne, 4 sur 10 font défaut dans les 5 années suivant leur entrée en activité. L’abondance de créations crée donc mécaniquement quelques années après un sursaut de défaillances.
Toutefois, le bilan catastrophique du 1er semestre avec près de 32 000 défauts ne peut pas être attribué à ces deux seuls facteurs. Il s’explique tout autant par les difficultés actuelles des entreprises qui affrontent un contexte très difficile : activité en berne, taux d’intérêt élevés, pression salariale, remboursement des PGE et désormais brouillard total sur le devenir de la politique économique après la dissolution de l’Assemblée nationale et la surprise des résultats.
Un environnement compliqué alors que les taux de marge sont déjà sous pression, signe que les entreprises peinent à répercuter dans leurs prix la hausse de leurs coûts d’approvisionnement et le gonflement de leurs frais de personnel. Les trésoreries sont sous tension et se dégradent aussi bien dans l’industrie, les services marchands que le commerce de détail.
De vraies difficultés au niveau de l’exploitation des entreprises
Trois signaux doivent plus particulièrement mettre en alerte. Le premier concerne les défaillances par taille d’entreprise. Une fois n’est pas coutume, ce ne sont pas les micro-entreprises qui explosent le compteur mais les petites entreprises, celles qui comptent entre 10 et 50 salariés, dont le chiffre d’affaires ou le bilan est compris entre 2 et 10 millions d’euros. L’impact sur l’emploi n’est évidemment pas le même. Plus volatiles, les défaillances des ETI et des grandes entreprises évoluent également à haut niveau avec des noms emblématiques comme Duralex ou Caddie.
Les données de la Banque de France permettent aussi de mesurer le poids des défaillances des entreprises non financières en termes d’encours de crédits, c’est-à-dire le ratio rapportant l’encours des crédits bancaires aux entreprises nouvellement défaillantes à l’encours total des crédits bancaires aux entreprises (en difficulté ou non). C’est la deuxième alarme, les chiffres montrent des impacts proches de ceux observés en 2008-2009, pendant la crise des subprimes, preuve en est que les difficultés d’exploitation dépassent la simple « normalisation » attendue après la pandémie.
Une fragilisation généralisée
Enfin, dernier élément, la large assise sectorielle des défaillances montre bien une fragilisation générale du tissu productif. Toutes les branches d’activité sont concernées ; la quasi-totalité se retrouve avec une augmentation supérieure ou proche de 20% sur les 6 premiers mois de l’année. L’immobilier, le BTP en crise sont les plus touchés. Les services aux entreprises dans leur ensemble, le commerce sont aussi sacrément impactés. L’industrie, les services aux ménages font quasiment figures d’épargnés avec pourtant une progression supérieure à 10%.
Pour les finances publiques, le coup est rude aussi car avec l’augmentation de la sinistralité ce sont autant de rentrées fiscales et sociales qui vont faire défaut, une épine dans le pied de plus pour le prochain gouvernement.
Publié le jeudi 18 juillet 2024 . 4 min. 01
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