Derrière l’idée de la démondialisation il y a d’abord un constat, celui de la cassure de la croissance du commerce mondial et du coup d’arrêt de la montée des importations de biens et de services dans le PIB. Mais ce n’est pas tout. À cela s’ajoute le plafonnement des flux d’investissement au plan mondial et des prêts internationaux. Quelque chose s’est clairement grippé dans le mouvement d’intégration des marchés.
Une prise de conscience post-Covid : restaurer les industries domestiques
Et si les mots de démondialisation, de raccourcissement des chaînes de valeur ont émergé si rapidement, c’est que la crise de 2008-2009 est passée par là et que la pandémie en a remis une couche. Avec elles la prise de conscience que les déséquilibres commerciaux colossaux de certaines régions du monde nécessitent de restaurer la base industrielle domestique. Dans le cas des États-Unis, cela signifie notamment de stopper l’hémorragie de la sous-traitance amont ou de l’assemblage dans les pays émergents, qui sape l’emploi et génère des déséquilibres commerciaux même dans des secteurs où ils sont technologiquement leaders. Apple a longtemps été l’archétype de ces entreprises dont l’assemblage des produits hors frontière induit des réimportations. Le discours critique sur les effets nocifs pour le territoire, d’une trop grande dilution des chaînes de valeur s’est étendu. Avec la reconnaissance de l’impact négatif de la délocalisation débridée du capital sur les inégalités, l’emploi des moins qualifiés ou le processus d’innovation. La crise Covid a aussi été la révélatrice de la vulnérabilité aux importations de produits essentiels au bon fonctionnement des systèmes de santé, à l’alimentation, à la fourniture d’énergie…
Nouveaux enjeux et tensions globales poussent vers la démondialisation
Certains événements récents semblent encore pousser davantage vers la démondialisation. Tout d'abord, les tensions commerciales entre les grandes puissances, notamment les États-Unis et la Chine, ont conduit à l'imposition de droits de douane et à des mesures protectionnistes. Ensuite, les entreprises revoient leurs stratégies de délocalisation : certaines optent pour une relocalisation partielle ou une diversification géographique pour réduire les risques liés à une dépendance excessive envers une seule région. Enfin, la transition écologique et les tensions énergétiques encouragent une production plus locale pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Cependant, considérer que la démondialisation est une réalité en marche relève d'une vision trop simpliste.
Une évolution des formes de mondialisation
L’indice de Mondialisation Economique du KOF (centre de recherche suisse) — une mesure qui inclut les flux commerciaux, financiers et les restrictions économiques pour analyser la globalisation — stagne depuis 2007. Mais cette inflexion marque, à ce stade, une stabilisation plus qu’une régression de la mondialisation. Si certains secteurs connaissent une tendance au découplage, la mondialisation reste prégnante dans de nombreux domaines. Plutôt qu’une véritable démondialisation, il semble plus pertinent de parler d'une évolution des formes de mondialisation. Les chaînes d'approvisionnement mondiales deviennent plus résilientes et moins concentrées sur certaines zones géographiques. Par ailleurs, une économie multipolaire émerge, où plusieurs centres de production et de consommation coexistent. La mondialisation se déplace aussi. Avec le digital, la data est devenue le nouveau terrain où s’opère l’intégration du monde. Sur cet espace, de nouveaux blocs, de nouvelles rivalités émergent. L’intégration économique mondiale ne s’effondre pas ; le temps de la démondialisation n’est pas encore venu.
Publié le vendredi 31 janvier 2025 . 3 min. 51
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