La France, pays des déficits. À peine dit, le réflexe est immédiat : penser au déficit public en premier lieu. Et pour cause. L’Hexagone décroche le bonnet d’âne européen. Un simple graphique de l’écart de notre solde public par rapport aux autres membres de la zone euro, soumis aux mêmes contraintes que nous, en fait la démonstration. La conclusion est implacable : notre déficit n’est pas une fatalité, c’est un choix politique.
La compétitivité en berne
Mais il est d’autres déficits qui dessinent tout autant le portrait d’une France en profond déséquilibre. En voici quatre, à commencer par le déficit commercial. Rapportée au PIB, la balance commerciale dévoile une France dans le rouge depuis près de 25 ans. À force de soutenir la consommation, le pays a sacrifié ses producteurs et creusé sa dépendance au « made in ailleurs ». Il a importé son confort et exporté ses usines. Résultat : seules quelques filières s’en sortent — les IAA (sauvées par les boissons), l’aéronautique-navale, les parfums-cosmétiques et la chimie-pharma. Tout le reste est déficitaire, massivement déficitaire.
Tous ces déficits sont la suite logique d’un autre : celui de notre compétitivité. Son origine est multifactorielle, mais il faut insister sur deux points. D’abord, notre déficit technologique, reflet d’un retard numérique inquiétant dans les entreprises. À peine 23% des sociétés françaises utilisent des services cloud avancés, contre 73% en Finlande et 66% au Danemark. Non seulement la France est loin de la moyenne européenne, mais elle se classe 24? sur 27, ne devançant que la Grèce, la Roumanie et la Bulgarie. D’autres indicateurs existent, ils pointent tous dans le même sens.
Second point : le capital humain… déficit de formation oblige. Il peut s’appréhender à travers la dégradation des résultats aux tests Pisa, la plus grande étude internationale sur le suivi des acquis éducatifs. Ce déficit éducatif menace directement la compétitivité économique du pays : une main-d’œuvre moins qualifiée, un capital humain sous-exploité, freinent l’innovation et la croissance. Autre symptôme : le pays connaît depuis plusieurs années une pénurie de profils scientifiques, et il faudrait former 60 000 ingénieurs de plus par an, selon l’Institut Montaigne.
L’érosion de la confiance et ses conséquences
Autre déficit devenu une marque de fabrique française : celui de la confiance. Les Français ne sont pas pessimistes par nature, ils le sont devenus. La cassure survient au début des années 2000. Depuis, les ménages ont sombré dans une morosité latente qui s’est amplifiée avec le temps. Or, une société qui doute d’elle-même peine à se projeter, à réformer, à innover. Ce climat délétère paralyse les initiatives, bloque les consensus et nourrit l’instabilité… et est certainement l’un des éléments d’explication du déficit le plus spectaculaire, celui des naissances.
La menace silencieuse du déficit des naissances
Les Français font de moins en moins de bébés ; le plancher des 600 000 naissances annuelles se rapproche, son plus bas niveau depuis la Seconde Guerre mondiale. Comme le nombre de décès progresse parallèlement, la différence entre les deux — c’est-à-dire le solde naturel — est devenue déficitaire en 2024 pour la première fois depuis 1946, et il se creuse rapidement. Ce déficit silencieux prépare un futur où la population active déclinera, pesant davantage sur un système de retraites déjà sous tension et freinant la croissance. C’est moins visible qu’une crise économique, mais bien plus durable. Un déficit isolé est une alerte ; plusieurs déficits simultanés deviennent une menace, les symptômes d’un modèle à bout de souffle. Les ignorer, c’est accepter le déclin comme horizon.
Publié le mardi 10 juin 2025 . 4 min. 07
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