Les difficultés de la filière automobile, la volonté de plus en plus pressante, surtout depuis les dernières élections municipales, de débarrasser les centres-villes des grandes métropoles de tous véhicules motorisés, relégueraient la voiture à l’Ancien Monde. Dans le monde d’après, plus écologique, plus vert, l’auto n’aurait plus sa place.
Pour beaucoup de ménages, l’accès à l’emploi dépend de l’automobile
Voici quelques chiffres pour bien mesurer le décalage entre ce discours dominant et la réalité : 7 salariés sur 10 vont travailler en voiture. Autrement dit, les autres modes de transports sont donc ultra-minoritaires : 16% des travailleurs empruntent les transports en commun, 7% marchent, 4% utilisent des deux-roues à moteur ou pas, 3% enfin n’ont pas besoin de se déplacer pour exercer leur activité professionnelle.
Cette vision nationale est une moyenne. En région parisienne, les habitants de Paris et de la petite couronne privilégient les transports en commun, parce que l’usage de la voiture y est volontairement rendu complexe et parce que l’offre de transports collectifs y est très dense : 100% des Parisiens vivent à moins d’un kilomètre d’un réseau « efficace », c’est-à-dire rapide, fréquent, avec des arrêts rapprochés et une forte amplitude horaire. Mais en banlieue ce n’est déjà plus qu’un habitant sur deux, et plus on s’éloigne du noyau, plus l’accessibilité aux transports en commun se dégrade rapidement. Bilan, en grande couronne, la voiture est majoritaire. En province, parmi les villes-centres des pôles des aires urbaines de plus de 400 000 habitants, Lyon est la seule où l’automobile est supplantée. Dans toutes les autres villes-centres, la voiture reste le mode de transport principal même si elle concerne moins de 39% des salariés à Grenoble, 41% à Strasbourg ou 43,4% à Bordeaux.
La congestion, qui réduit l’efficacité de la voiture, l’amélioration de l’offre des transports en commun sont seulement typiques de contextes des centres-villes, pas des territoires moins denses. Or, ces territoires moins denses, c’est le lieu de résidence de près de 6 Français sur 10. Pour beaucoup de ménages, l’accès à l’emploi dépend donc de l’automobile. Mais au-delà, c’est l’accès aux commerces, aux services administratifs, aux loisirs qui dépend de la voiture. L’auto reste au cœur des déplacements de la majorité des Français et avec un taux d’équipement à près de 85%, la quasi-totalité des ménages est motorisée et la multimotorisation a eu même tendance à se renforcer. Certes, la tendance à la hausse est moins prononcée que par le passé, mais on bute là sur des niveaux d’équipement difficilement franchissables.
La crise sanitaire modifie la mobilité individuelle
Quant au mouvement souvent commenté d’abandon de la voiture, il ne se vérifie tout simplement pas au-delà des jeunes des grands centres urbains pour lesquels l’achat d’une auto apparaît de moins en moins nécessaire.
Surtout, un regain d’intérêt pour l’automobile n’est pas à exclure avec la crise de la Covid-19. Une crise sanitaire, qui a entraîné une plus grande défiance envers les transports collectifs. Cela vaut pour les trajets quotidiens, mais également ceux concernant les plus longues distances, notamment effectuées à l’occasion des vacances.
Quant à la montée du télétravail, les conséquences sont paradoxalement plutôt ambiguës et de deuxième ordre. D’un côté, le nombre de déplacements et de kilomètres parcourus se réduit et décalera le renouvellement d’une partie du parc et peut aussi limiter l’intérêt de la multimotorisation, mais l’impact sera marginal. De l’autre, pour une frange minoritaire de la population, la résidence secondaire devient un investissement qui permet de profiter pleinement de la nouvelle donne du télétravail. Une résidence secondaire en dehors des hypercentres qui s’accompagne nécessairement de l’achat d’un véhicule.
Non, l’automobile n’est pas près d’être supplantée par les autres modes de transport. Un signe ne trompe pas : le marché des véhicules d’occasion est l’un des rares qui peut être vraiment qualifié d’être en voie de rattrapage : il s’est immatriculé près de 100 000 voitures d’occasion de plus en septembre qu'au cours du même mois en 2019 et le retard pris pendant le confinement est en passe d’être rattrapé. Non seulement l’automobile n’est pas prêtre de disparaître, mais son usage devrait se renforcer. Bref, c’est une filière d’avenir dès lors que l’on prend toute la mesure du nouvel attrait pour la mobilité individuelle.
Publié le mardi 13 octobre 2020 . 4 min. 10
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