Après l’Allemagne, la France peut-elle encore échapper à la récession en 2025 ? Depuis la découverte du déficit public réel, la question se pose, car rarement le sentiment de perte de contrôle des comptes de la Nation n’a été aussi fort. Prévu fin 2023 à 4,4% du PIB, le déficit public a été révisé à 5,6% et terminera à plus de 6%. Une dérive de plus de 50 milliards d’euros selon nos calculs à Xerfi. Hors temps de crise, c’est sans précédent. Avec aucun correctif budgétaire en cours d’année, le pays se voit contraint de trouver dans l’urgence 60 milliards d’euros (l’équivalent de 2 % du PIB), que ce soit sous forme de hausse de la fiscalité ou de coupes dans les dépenses publiques. Cela ne peut pas se faire sans dommage.
Le rôle crucial des entreprises dans l'effort budgétaire
Si le projet de loi de finance est toujours en cours de discussion, le discours de politique générale en a donné les grandes lignes. Principal contributeur à l’effort général : les entreprises, toutes les entreprises. Les plus grandes, celles dont le chiffre d’affaires dépasse le milliard d’euros, vont devoir s’acquitter pendant trois ans d’une surtaxe sur leurs bénéfices. Mais aussi, avec elles, toutes les autres via trois canaux principaux : la refonte des allègements de charges sur les bas salaires. Soyons clairs, c’est dans le but pour l’État de faire des économies. Traduction pour les entreprises : hausse des cotisations patronales. C’est aussi la prise en charge par les sociétés, via une augmentation des mutuelles, de l’abaissement de la couverture santé et enfin la réduction des aides à l’apprentissage.
Tout l’enjeu est de déterminer si cela peut se faire sans trop de casse sur le tissu productif. Or il y a de quoi être inquiet. Que ce soit dans l’industrie ou dans les services marchands, les soldes d’opinions des chefs d’entreprise sur leur trésorerie sont dégradés et se situent nettement en dessous de leur moyenne de long terme. La situation se durcit aussi dans le commerce avec ces mêmes leitmotivs : pression sur les marges, allongement des délais de paiement clients, stocks élevés. Les conséquences de cette fragilisation se voient déjà dans la montée en flèche des défaillances qui ne sont pas toutes dues au rattrapage post-Covid. Ce n’est évidemment pas un très bon signe pour les mois à venir. Sans attendre, les entreprises sont déjà massivement passées en mode défensif.
Deux témoins de cette bascule : les créations d’emplois sont de plus en plus rares et la fin d’année pourrait bien se terminer dans le rouge pour la première fois depuis dix ans, hors année de la crise sanitaire, entraînant une hausse du taux de chômage. Quant à l’investissement, il a déjà commencé à être ajusté. En recul en 2024, il diminuera encore. Il faudra donc faire sans les entreprises et compter sur les ménages pour être la principale source de croissance.
Les ménages, ultime espoir pour la croissance ?
La baisse des taux et le reflux rapide de l’inflation donnent une bouffée d’oxygène aux ménages. De même, une partie des Français se retrouve dotée d’une abondante surépargne héritée de la période Covid qu’ils n’ont pas réduite face au choc inflationniste. Bien au contraire, leur effort pour mettre de l’argent de côté s’est intensifié depuis la mi-2022. L’espoir, c’est que cette réserve soit enfin mobilisée pour faire sortir la consommation de son inertie. Moins rémunératrice avec la baisse des taux, l’épargne devrait logiquement progressivement se réduire. Mais un autre scénario est possible : poussé par les incertitudes politiques, économiques et budgétaires, le taux d’épargne pourrait bien rester en 2025 au niveau élevé de 2024. Cela ne laisserait alors plus beaucoup de doutes sur le signe de la croissance à attendre pour l’année prochaine. La question ne sera plus alors de savoir si la récession est évitable, mais plutôt de mesurer l’ampleur des dégâts à venir.
Publié le mardi 22 octobre 2024 . 4 min. 05
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