C’est peu dire que la distribution prend une grande claque avec le Covid-19. Calculé sur la base des réponses des chefs d’entreprise interrogés entre le 26 février et le 23 mars dernier, le climat des affaires s’est affaissé de plus de 13 points en un mois, c’est du jamais vu depuis que cette statistique existe, c’est-à-dire près de 30 ans. Ni la crise de 1993, ni la grande récession de 2008-2009 n’avaient provoqué une telle chute en aussi peu de temps.
La profession est en fait prise en entre deux feux : côté demande, l’interdiction de se déplacer crée un empêchement de dépenser sur toute une série de postes. A cela vient s’ajouter, des fiches de paies amputées pour une partie de ceux qui se retrouvent en chômage partiel ainsi que des pertes de revenus pour les indépendants qui se retrouvent avec une activité réduite voire sans aucune. Côté offre, c’est bien simple près de la moitié du commerce de détail est à l’arrêt total. Que les fermetures soient imposées par arrêtés, c’est le cas notamment des grands magasins, fleuristes, concessionnaires auto, spécialistes de l’habillement, une partie des marchés.. ou que les fermetures soient imposées par l’impossibilité des commerçants à s’approvisionner et à se constituer des stocks (en cause, l’arrêt des chaînes de production dans de nombreux secteurs des biens de consommation non-alimentaires auquel s’ajoutent les difficultés à trouver des transporteurs), ou encore, qu’elles soient imposées tout simplement parce que la clientèle a totalement disparu ou n’est pas suffisante pour maintenir l’activité.
Le choc est massif et la création de richesse du commerce (négoce compris) mesurée par la valeur ajoutée devrait être en recul de plus de 16 % en cumulé aux 1er et 2ème trimestre, c’est historique en période de paix. C’est quatre fois plus marqué qu’au moment de la paralysie économique de 1968, où elle la VA avait plongé de 4% au 2ème trimestre. Sous l’hypothèse d’un confinement d’une durée de 45 jours, le rebond devrait être spectaculaire, inédit là aussi, mais en moyenne avec un recul de 6% environ, 2020 s’annonce comme la pire année d’après-guerre pour le commerce.
Cette vision macroscopique est cependant un peu trop écrasante, c’est une moyenne. Il faut aller dans le détail pour mieux saisir la réalité en distinguant d’un côté les produits de grande consommation (alimentaire compris) et de l’autre le non-alimentaire ainsi que les circuits de distribution. Depuis les premières grosses alertes du Covid-19 en Italie, les ventes de PGC étaient sur une pente croissante, avec déjà des comportements de stockage. Ces dernières se sont accélérées une première fois après la 1ère allocution d’Emmanuel Macron du jeudi 12 mars, puis une seconde fois à l’annonce du confinement avec le triplement des ventes. Après un stockage hors-norme, le soufflé est retombé.
Outre les comportements de sur-stockage, les achats, principalement de produits alimentaires, devraient bénéficier également du boum de la consommation à domicile lié à la fermeture de l’ensemble des établissements de restauration commerciale et de nombreux restaurants collectifs (dans l’éducation et les entreprises notamment). Autant dire que les professionnels de la distribution BtoB (comme Metro ou le Min de Rungis souffrent particulièrement. Les spécialistes du BtoC en revanche surfent sur cette vague. Trois tendances fortes se dégagent : après avoir été les grands gagnants des premiers rushes des consommateurs, les hypermarchés souffrent maintenant du confinement des ménages et de leur éloignement des centres-villes au moment même où il devrait y avoir un pic d’activité avec les fêtes de Pâques. Avec la volonté de limiter le temps passé en dehors du domicile et de réduire le nombre de contacts, la proximité est plébiscitée, au bénéfice des enseignes de proximité de la grande distribution mais pas seulement. Enfin tendance, le e-commerce alimentaire est en train de passer un cap et va rattraper son retard sur les autres marchés.
Dans le non alimentaire, la chute des ventes est massive et devrait atteindre 13% en moyenne en 2020. Outre la fermeture des magasins spécialisés, même le e-commerce est en difficulté, à la fois parce que la surconsommation dans l’alimentaire a entamé le budget des ménages mais aussi parce qu’il y a recentrage sur l’essentiel… la mode est en première ligne. Mais aussi pour des raisons ponctuelles : fermetures temporaires des sites marchands (comme celui d’Ikea notamment le temps de réorganiser la logistique), limitation de l’offre, etc.
Quelle que soit sa durée, cette période de crise impactera de façon significative les comportements d’achats, au profit et de la proximité et de la livraison à domicile qui entrera durablement dans les pratiques. Des tendances qui étaient déjà en cours et que crise va accélérer.
Publié le jeudi 2 avril 2020 . 4 min. 37
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d'Alexandre Mirlicourtois
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