A l’approche des élections municipales, trois économistes viennent de publier une étude troublante : elle décrypte les relations de faveurs réciproques que s’accordent élus locaux et banquiers.
Le deal : les élus à la peine au moment de l’élection demandent aux banques de soutenir l’économie locale avec plus de crédits ; en échange, s’ils sont élus, ils promettent un accès plus important au financement, rémunérateur, des investissements publics.
L’étude s’appuie sur une base de données inédite de la distribution de crédits entre janvier 2007 et mars 2017 qui permet de savoir quelle banque accorde quel crédit à quelle entreprise et où. Par ailleurs, le document construit deux critères politiques pour chaque élection municipale : un indicateur d’influence (le candidat a-t-il déjà été élu maire, est-il aussi député, ancien ministre…) et un indicateur rétrospectif de difficulté à se faire élire (a-t-il gagné avec moins de 6 % d’écart de voix ?).
La question posée est alors la suivante : les candidats influents dont l’élection est tendue demandent-ils aux banquiers de distribuer plus de crédits pour soutenir les entreprises locales et la bonne humeur des électeurs ? La réponse est clairement positive. Anne-Laure Delatte, Adrien Matray et Noémie Pinardon-Touati montrent que l’année des élections, le crédit bancaire est 9 % plus élevé dans les circonscriptions où le candidat est influent et la concurrence politique forte.
Et on est bien dans une distribution de crédits à caractère politique : les entreprises bénéficiant de ces surcroîts d’apports sont celles qui dépendent le plus d’un financement de court terme et sont situées dans des secteurs déclinants.
Pourquoi les banquiers locaux acceptent-ils d’offrir des financements à des entreprises risquées qui ont plus de chance de ne pas les rembourser ? Si le candidat est élu, elles attendent en retour d’être sélectionnées pour financer les projets de développement d’infrastructures publiques (écoles, bibliothèques, routes, etc.). De fait, le Code des marchés publics laisse la capacité aux élus locaux de choisir leur financeur.
Résultat : les banques qui sont déjà présentes sur ce marché distribuent 14 % de plus de crédits lors d’une élection contestée que celles qui ne sont pas présentes sur le créneau du financement des investissements publics locaux. Une bonne affaire puisqu’en retour, elle accroît sa part des financements publics sur les 4 ans qui suivent avec des taux d’intérêt de 150 à 200 points de base plus élevés que la dette publique nationale.
La conclusion n’est pas que nos élus locaux sont « tous pourris ». Ces petits arrangements concernent une fraction des élus, les plus influents politiquement et dont l’élection est contestée. La distribution supplémentaire de crédits les aide mais cela ne leur permet pas toujours d’assurer la victoire. Et s’ils donnent ensuite la préférence à telle ou telle banque, ils auraient de toute façon dû trouver un financement bancaire pour leurs projets.
On comprend surtout avec cette étude combien, de même qu’au niveau national, les banques sont des acteurs locaux, politiques et sociaux, autant qu’économiques.
Publié le vendredi 13 mars 2020 . 3 min. 07
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de Christian Chavagneux
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