Xerfi Canal présente l'analyse de Jean-Baptiste Bellon, directeur de Trapeza et conseiller auprès de Xerfi
Dans les annonces du budget et des réformes il y a beaucoup de nouveautés mais pas grand-chose pour la place financière de Paris, à peine une réflexion sur la généralisation en Europe de la taxe sur les transactions financières (connu sous petit nom de FTT) en dehors de Paris. Cette taxe instaurée en août dernier est en fait une création du gouvernement précédent et les professionnels constatent déjà un certain détournement des flux, vers des lieux non taxés comme les fonds indiciels (ETF, encore un sigle) ou vers des produits un peu différents mais qui donnent un accès aux marchés des actions (les fameux CFD). La France veut apparaître comme exemplaire en Europe dans le domaine de la maîtrise des marchés et soutien une vision plus allante des réformes que les instances européennes sur beaucoup des sujets en cours d’examen.
Les associations professionnelles et le club Paris Europlace crient au loup et trouvent que la réforme dans un seul pays signifie la ruine pour ce pays. Quand on regarde avec un peu de distance l’évolution de la place financière de Paris on voit bien que sa position se détériore dans les classements mondiaux. Il s’agit de la plus petite des places financières globales et en Europe elle arrive après Francfort (qui bénéficie de l’implantation de la BCE) et après Zürich qui bénéficie de la puissance des gestions de fortunes et des groupes d’assurances. Dans le dernier classement global des centres financiers, Paris arrive même au 22em rang mondial coincé entre Jersey et Luxembourg. Certes ce classement établi par un organisme de la perfide Albion, est très contestable sur les méthodes et il est de fait très contesté. Mais ses conclusions sont avérée, Londres est toujours au premier rang mondial, même si les places asiatiques continuent de s’en rapprocher et si Paris est présent dans tous les domaines, il ne fait partie du top 5 dans pratiquement aucun à l’exception de certains financements spécialisés et de certains compartiments de produits dérivés.
Pour savoir si c’est grave de jouer en bas de la première division financière, il faut répondre d’abord à la question de savoir à quoi servent les places financières? En théorie leur rôle est d’abord d’orienter l’épargne vers l’investissement de moyen et long terme et ensuite de permettre l’apparition de choix d’investissement liés à des profils de risque diversifiés. Les marchés permettent ainsi de réduire ou d’accroître les risques pris par les agents économiques. Une place financière a donc trois facettes (1) un rôle dans la collecte et l’allocation de l’épargne, (2) un rôle dans les financements de l’économie et (3) un rôle dans la liquidité des actifs financiers. Vous avez reconnu dans l’ordre la gestion d’actifs ou de fortune, l’ingénierie financière et les marchés financiers. La place parisienne est plus naturellement à l’aise dans le deuxième volet en raison de son origine bancaire, mais l’enjeu à moyen terme est d’exister sur le premier volet, la gestion d’actif.
C’est en effet un paradoxe qu’une nation d’épargnants – le taux d’épargne des français est structurellement supérieur à 15% des revenus - place ses fonds avant tout dans des actifs sans risques. Le Ministre des Finances vient ainsi de confier à deux députés une mission de réflexion sur l’épargne longue (K Berger et D Lefevbre), pour prolonger les premières mesures décidées en faveur de l’épargne populaire (Livret A). Les mesures à l’étude peuvent créer les conditions d’un renouveau de la gestion de fonds en France avec des produits labélisées (par exemple les fonds ISR, c’est complexe mais cela avance). Il est peu probable que Paris ressemble à Londres ou a HK un jour, par contre se rapprocher de Boston ou San Francisco est à sa portée.
Jean-Baptiste Bellon, Places financières : Paris en seconde division, une vidéo Xerfi Canal
Publié le lundi 22 octobre 2012 . 3 min. 54
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