Xerfi Canal présente l'analyse de Jean-Baptiste Bellon, directeur de Trapeza et conseiller auprès de Xerfi
Le premier ministre vient de commander une mission de réflexion sur la réforme de l’épargne financière à deux députés PS (K Berger et D Lefebvre), le rapport attendu devrait indiquer les pistes pour améliorer l’allocation de l’épargne à l’économie réelle. La France, pays où est l’épargne est abondante (à plus de 15% du PIB de manière régulière) est en effet inquiète de l’orientation de son épargne qui ne va pas assez vers les investissements de long terme.
Cette interrogation est traditionnelle et sur les 10 dernières années, on compte plus de 20 rapports plus ou moins dirigés sur ce paradoxe d’un immense bassin d’épargne qui arrive péniblement à son embouchure vers l’océan de la croissance mais comme en tout petit cours d’eau qui n’alimente pas assez l’investissement de long terme en France. L’Etat est au premier rang des intéressés car qui dit épargne entend immédiatement fiscalité, et la matière fiscale est tout à la fois complexe et souple; chaque changement de gouvernement marque ainsi l’arrivée d’une nouvelle couche d’ingénierie fiscale qui se superpose aux précédentes.
L’investissement plutôt que l’épargne sécurisée
Dans ce monde instable, les ménages français ont favorisé la stabilité en investissant largement dans la pierre. Les comptes des ménages mettent en évidence le poids dominant de l’immobilier dans l’ensemble (entre 50% et 60% du total). De ce fait, en matière d’épargne purement financière, les ménages français sont dans la moyenne des pays d’Europe Continentale. Mais les particularités françaises réapparaissent aussitôt, cette épargne financière est pour l’essentielle drainée au travers de deux canaux : l’assurance vie (60% des encours d’épargne financière) et l’épargne réglementée (25%), c'est-à-dire sans impôts ou presque, là vous avez reconnu notre Livret A national. Le choix de ces deux supports n’est pas innocent, ils ont tous les deux une ‘carotte fiscale’, le Livret A tout de suite et l’assurance vie au bout de 4 à 8 ans. Le village gaulois que nous sommes a inventé à partir de cette ressource abondante une potion magique dont les effets bénéfiques se sont fait sentir pendant longtemps. En effet ces produits d’épargne qui ont vocation à rester à moyen et long terme dans les comptes des banques et des assurances, sont en même temps liquides, il est facile de retirer les sommes placées, et investies à long terme.
C’est bien d’être les champions du monde des produits longs et liquides, mais il se trouve que la durée de détention et la performance sont assez liées. Si vous devez gérer des fonds en pensant qu’il est possible de les rendre (au minimum le capital) toutes les fins de semaines, vous n’allez pas prendre beaucoup de risques et la performance va s’en ressentir. Le secteur financier français est devenu un champion de la garantie en capital, c’est bien mais pour investir cela pose des problèmes.
L’Etat : arbitre des inégalités d’épargne et architecte des circuits financiers
Dans la longue liste des rapports publiés sur ce sujet les 4 derniers qui viennent de l’Etat (CAE), les assureurs (FFSA), des investisseurs de long terme (CDC) ou de la place de Paris (Paris Europlace), au delà des appels à la remise à plat des impôts (CT/LT, travail/capital…), il y a des propositions comme par exemple (1) le développement d’un fonds souverain et l’implication de l’Etat pour couvrir moyennant finance les chocs extrêmes des marchés (CAE), (2) la modulation des réformes prudentielles pour éviter que plus une banque ou une assurance investisse à LT plus elle soit taxée (CDC), (3) que la durée de détention de l’assurance vie soit allongée pour sécuriser son label sans impôts et permettre des vrai investissements longs dans l’économie (60% des placements en titre d’Etat, c’est trop) (FFSA) ou que les gestions professionnelles qui apportent de la performance soient favorisées (Europlace).
C’est intéressant même si chacun prêche bien sûr un peu pour sa paroisse, cependant il ne faut pas oublier que l’épargne c’est in fine du patrimoine et que celui-ci est très inégalement réparti, beaucoup plus que pour les revenus. Une étude récente de l’INSEE a souligné que le taux d’épargne moyen de 15% en France, c’était en fait zéro % pour 1/3 des ménages, entre 5% et 10% pour plus de la moitié des ménages et pratiquement 30% pour un peu moins de deux ménages sur 10 (chiffres à revérifier)
La mission de réflexion devra donc traiter à la fois de la place de l’Etat comme architecte des circuits financiers et de la cohésion des choix financiers des ménages aisés avec les besoins de la collectivité. Il y a de la place pour toutes sortes de nouvelles créatures fiscales, après tout dans l’Arche de Noé il n’y avait pas que des pigeons.
Jean-Baptiste Bellon, Réformer l’épargne financière… pour l’entreprise, une vidéo Xerfi Canal
Publié le mardi 30 octobre 2012 . 4 min. 36
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