Les dirigeants sont souvent jugés par leur capacité à fournir des réponses. Pourtant, la véritable compétence réside dans l’art de poser les bonnes questions. Gaston Bachelard est sans doute celui qui l’a formulé de la manière la plus fulgurante en posant que la véritable marque de l’esprit scientifique réside moins dans l’art d’apporter des réponses que de poser des problèmes, lesquels ne sont jamais « donnés » mais bien « à construire ».
On notera d’ailleurs que ce n’est pas pour rien si un mot s'est imposé de manière spectaculaire dans notre vocabulaire et nos conversations avec l’essor de l’IA générative : le prompt. Puisque, après tout, le prompt ce n’est rien d’autre que l’art intemporel de poser les bonnes questions.
Poser les bonnes questions, c’est en effet ouvrir des portes vers des solutions inattendues. Cela permet d’éviter les biais cognitifs et stimule la créativité. En se concentrant sur le quoi, le comment et le pourquoi, la réflexion est plus rigoureuse et dépasse les conclusions hâtives. Comme le proposait Clayton Christensen, père du concept de disruption, Les questions mènent à des découvertes là où les réponses ne sont finalement que des conclusions temporaires.
Une question bien posée aide à révéler des angles morts et à clarifier les enjeux, une démarche que Warren Berger défend dans A More Beautiful Question. Les meilleurs leaders ne fournissent en effet pas toutes les solutions, mais savent d’abord interroger leurs équipes pour favoriser l’intelligence collective. Demander "Comment pourrions-nous améliorer cela ?", "Qu'est-ce qui manque dans notre analyse ?", "Quels sont les risques si nous ne faisons rien ?" ou encore "Quelles hypothèses sous-tendent cette option ?" permet de mieux anticiper les véritables zones d’incertitude, de danger ou les fenêtres d’opportunités.
Poser des questions, c’est finalement un acte d’humilité et de clairvoyance. Un leader qui demande "Et si nous avions tort ?" montre qu’il est prêt à réévaluer ses hypothèses. C'est une qualité essentielle pour éviter les erreurs de jugement ou autoriser l’expression de points de vue divergents.
Mais surtout, la capacité à poser les bonnes questions ne relève pas seulement de compétences techniques. Elle est profondément liée à la culture générale. Ce n’est pas pour rien si le général de Gaulle jugeait que La véritable formation, c’est la culture générale. C’est en effet elle qui fait qu’on pose les bonnes questions en créant aussi des articulations improbables. Maîtriser l’art de la question, c’est donc non seulement renforcer la prise de décision, mais aussi ouvrir la voie à des solutions plus novatrices et plus ambitieuses.
Références :
Bachelard, G. (1938). La Formation de l’esprit scientifique. Vrin. URL : https://www.vrin.fr/livre/9782711611508/la-formation-de-lesprit-scientifique
Berger, W. (2014). A More Beautiful Question: The Power of Inquiry to Spark Breakthrough Ideas. Bloomsbury Publishing USA. URL : https://www.amazon.com/More-Beautiful-Question-Inquiry-Breakthrough/dp/1620401452
Christensen, C. M. (1997). The Innovator's Dilemma: When New Technologies Cause Great Firms to Fail. Harvard Business Review Press. URL : https://www.amazon.fr/Innovators-Dilemma-Technologies-Cause-Great/dp/1633691780
Publié le mardi 1 octobre 2024 . 3 min. 52
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