La guerre des talents : attirer, développer et fidéliser les meilleurs

Depuis quelques années, un concept porté par les cabinets de conseil s’est imposé dans l’imaginaire managérial : « la guerre des talents ». Dans un contexte hautement compétitif, les entreprises sont appelées à se distinguer non seulement par leurs offres, mais aussi par leur capacité à attirer, cultiver et retenir leurs « meilleurs » talents.

Il est temps de prendre un peu de recul. Le talent, selon Pierre-Michel Menger, professeur au Collège de France, qui a dirigé l’ouvrage "Le talent en débat" (2014), n’est pas une qualité statique. C’est une capacité en constante évolution, façonnée par les interactions et les contextes. De son côté, Thomas Paris d’HEC Paris insiste sur le fait que le talent émerge moins de processus individuels de créativité que de l’intégration dans des collectifs orientés vers la création, propices à l’expression des singularités.

Pour les entreprises, il est très utile de tirer des enseignements de ces analyses qui montrent comment le talent se manifeste et se développe dans des environnements compétitifs et créatifs

Premier constat, les meilleurs talents sont attirés par l'authenticité et la reconnaissance du potentiel. Les artistes qui se distinguent ne sont pas ceux qui imitent, mais ceux qui innovent en restant fidèles à eux-mêmes et à une vision. Les talents recherchent donc un environnement où la singularité pourra s’épanouir plutôt que d’être critiquée et étouffée. Pour les entreprises, offrir un cadre où les talents peuvent avoir le sentiment de se démarquer est donc un élément clé pour les attirer.

Deuxième leçon, pour développer les talents, l’interaction et le mentorat sont essentiels. Dans le domaine artistique, le talent se nourrit des échanges entre créateurs, qui s’enrichissent mutuellement et affinent leur art à travers la collaboration. De même, le développement des talents en entreprise s’épanouit par la relation avec les autres, à travers un apprentissage continu, des échanges stimulants et des dynamiques de mentorat. La capacité d’influence, fondée sur la confiance, le respect mutuel et l’exemplarité devient une compétence clé pour les leaders. Autrement dit, la vieille autorité du chef a vécu.

Enfin, attirer et développer les talents ne suffit pas, il faut savoir les retenir. Cela passe par une culture de la loyauté et la conscience partagée que la longévité du succès repose souvent d’abord sur la fidélité à un collectif. Pour y parvenir, il est essentiel d’offrir des parcours évolutifs, où les talents peuvent non seulement se développer mais aussi se réinventer puisque le talent ne prospère jamais mieux qu’à travers sa mise à l’épreuve et des expériences diversifiées. C’est un investissement judicieux pour l’entreprise puisqu’un talent qui la quitte ce n’est pas seulement une perte d'expertise, mais aussi une opportunité pour ses concurrents.

En intégrant ces quelques principes largement hérités des pratiques artistiques ou sportives — telles que l'authenticité, l'interaction et la loyauté — une stratégie de gestion des talents vivante, singulière et efficace est possible. Loin des approches théoriques rigides ou des mots d’ordre souvent naïfs.