Les médias : d’abord ils lèchent, ensuite ils lâchent, enfin ils lynchent

Au détour d’un cocktail, cette phrase choc entendue d’un dirigeant : « Les médias, d’abord ils lèchent, ensuite ils lâchent, enfin ils lynchent ! » Assurément, ce mécanisme reflète les dangers de l’exposition médiatique et mérite qu’on s’y arrête un instant tant cette dynamique éphémère et instable de l’attention médiatique peut se révéler profondément déstabilisante.

Quand l’attention des médias « lèche », elle n’est pas avare d’éloges. Les médias s’emparent des réussites et façonnent un récit héroïque. Ils célèbrent le dirigeant, sans qui la réussite n’aurait jamais eu lieu. Ces louanges répondent à un besoin collectif de glorifier des modèles de réussite. La presse adore en effet les ascensions rapides. Les dirigeants, grisés par cette reconnaissance, oublient alors souvent que cette attention est d’abord conditionnée par le besoin de nourrir constamment la nouveauté.

Cette ferveur médiatique est cependant fugace, ce qui explique pourquoi l’attention finit par « lâcher ». Une fois l’histoire de succès racontée, les projecteurs se détournent, à la recherche de nouveaux sujets. Le téléphone sonne moins, les sollicitations s’estompent. Pour les dirigeants qui se sont trop appuyés sur cette visibilité pour façonner leur image, ce retrait est brutal. Le basculement de l’enthousiasme à l’indifférence est un virage difficile à anticiper et qui peut être très déstabilisant.

Mais si cette désaffection marquait la fin, ce ne serait pas encore trop grave. Or, elle précède souvent des attaques plus virulentes. C’est le revers de la médaille : plus les médias ont loué un dirigeant, plus ils prennent plaisir à le lyncher. Lorsqu’un leader semble en difficulté, il devient la proie d’une attention féroce, alimentée par le goût du sang. Les critiques se muent en lynchage public, la moindre erreur est amplifiée. L’ancienne star devient le bouc émissaire idéal.

Carlos Ghosn en est un exemple marquant. Salué pour avoir sauvé Renault et Nissan, il est passé de héros à paria en quelques semaines, lorsque ses problèmes judiciaires sont apparus. La presse, qui l’avait tant loué, s’est soudainement acharnée.

Le cas de DSK reflète également ce cycle implacable. Ancien directeur général du FMI, favori à la présidentielle de 2012, il était encensé pour ses compétences et son aura internationale. En 2011, l’affaire Diallo brisa cet élan. Sans s’attarder sur le fond de l’affaire, on notera juste que de véritable héros, DSK est devenu en quelques heures paria, en proie à un lynchage médiatique planétaire continu et interminable.

Le rapport aux médias est donc périlleux. Il faut comprendre que l’attention médiatique n’est jamais acquise, qu’elle fonctionne en vagues. Face à cette tragédie en trois actes, un conseil inspiré du célébrissime « If » de Kipling est l’acte d’auto-défense le plus efficace : si tu sais accueillir louanges, lâchages et lynchages et recevoir ces trois menteurs d’un même front, alors… C’est l’art de survivre à l’attention médiatique que tu maîtriseras.