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L’omniprésence du développement durable dans le discours managérial devient problématique. En plus de vampiriser tous les discours d’entreprises, la soutenabilité irrigue même le champ académique. Un collègue nous conseillait l’autre jour d’introduire coûte que coûte le terme sustainability dans le titre de nos papiers de recherche - quel qu’en soit le thème -, si nous souhaitions avoir une chance de les voir publier dans une revue scientifique. Comme si la soutenabilité était devenue un critère de validité et d’intérêt dans le domaine de la production scientifique. C’est dire l’emprise de cette notion dans le champ social et culturel.

Or la soutenabilité est très difficile à définir précisément sans rentrer dans des considérations purement tautologiques (du type de ce que l’on peut lire dans les rapports de développement durables de la plupart des entreprises qui polluent le plus la planète) ; cette idéologie rampante s’appuie sur un système de croyances que l’on pourrait résumer ainsi : le saccage de la nature résulte d’une idéologie prométhéenne qui fait de l’homme un « maître et possesseur de la nature pour reprendre les mots de Descartes ». L’idéologie de la durabilité s’appuie donc sur une dialectique disneysée entre la gentille nature et la méchante culture. Mais c’est oublier un peu vite que la nature est une notion culturelle et que cette opposition s’appuie sur une illusion. Quand on évoque la nature on pense aux espaces verts, aux champs, aux prés, aux montagnes, aux animaux, bref tout ce qui ne fait pas partie de la création humaine et n’a pas été touché par l’homme Mais on parle également de la nature de l’homme ou encore d’une personne qui se comporte de façon naturelle, c’est-à-dire qui est spontanée. L’opposition entre nature et culture distingue dans l’ordre des phénomènes ceux qui relèvent des régularités mécaniques et ceux qui indiquent des intentions morales ; mais elle est aussi une catégorie de pensée et de langage dont l’anthropologie s’est servie pour expliquer que la diversité des phénomènes humains s’appuie sur l’unité d’une nature. C’est tout le mérite de l’anthropologue Philippe Descola d’avoir montré que la nature n’existe pas. Penser que d'un côté, il y a un monde naturel que les sciences dites « dures » seraient chargées de décrire et de comprendre, et que de l'autre, il y a la culture, les sociétés et la singularité supposée de l'être humain par rapport aux plantes et aux animaux (domaine des sciences humaines et sociales) n’a rien d’universel. C’est une vision ethnocentrée qui façonne toutes nos actions. Pensons par exemple à la préservation de paysages sauvages dont on pense qu’ils ne devraient pas ou plus être saccagés par l'homme.


Comme le rappelle Descola, la nature n’est pas un domaine d’objets en tant que tel. C’est une construction qui permet de donner une saillance à tout ce à quoi on oppose cette notion. A ce titre on parle volontiers de la nature et de la société, de la nature et de l’homme, de la nature et de l’art, de la nature et de la religion. C’est pourquoi il est nécessaire de repenser cette opposition fictionnelle et illusoire. Or c'est le bain intellectuel dans lequel nous évoluons en occident. Les humains y sont perçus comme étant les seuls détenteurs d'une capacité cognitive – l'esprit – qui les distingue radicalement des non-humains. Ces derniers sont englobés dans une « nature » régie par un même système de lois mises en évidence par la physique, la biologie, la chimie.  Pourtant, ce qui compte est le vivant, ce qui fait que la vie existe. Se situer dans le monde, en interaction et en interdépendance avec le reste du vivant, doit nous conduire à dépasser le clivage traditionnel entre le naturel et le culturel. Le système naturaliste qui sous-tend ce dualisme, nous empêche de penser différemment. Cela signifie donc que la sustainability nous oblige à remettre profondément en cause notre système naturaliste. Il en va de sa possibilité et de sa crédibilité. A moins de vouloir se complaire éternellement dans le baratin…


Publié le jeudi 10 mars 2022 . 4 min. 25

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