Si l’IA vous aide à être plus productif, votre employeur voudra en tirer parti, que vous soyez salarié, free-lance ou fournisseur. Déjà, les pigistes de la presse, souvent mal payés, subissent cette pression : un article rédigé avec l’IA prend moins de temps, doit-il être payé au même tarif ? Toute personne rédigeant, analysant des données, codant, consultant des jurisprudences, traduisant, produisant des scénarios, doublant des films ou préparant des présentations y sera confrontée.
Les gains de productivité induits par l’IA diffèrent de ceux des innovations mécaniques ou numériques classiques. Avec ces dernières, la substitution de travail était mesurable : si un traitement de texte permettait d’écrire 30 % de plus en une heure, l’alternative était claire : produire plus pour le même salaire ou être payé moins à la tâche. L’IA, en revanche, complexifie cette équation. Quel est l’apport réel de l’utilisateur par rapport à celui de l’IA générative ? Quelle est sa valeur ajoutée ? Son usage de l’IA est-il pertinent, écologique, utile, éthique ? Combien de temps a-t-il passé à interagir avec l’IA, à vérifier, corriger et adapter les résultats ? A-t-il réellement gagné du temps ?
La situation varie selon les domaines d’application. Rédiger un article, traduire, coder, diagnostiquer un problème médical ou effectuer une maintenance prédictive implique des degrés d’intervention humaine différents. Dans certains cas, l’homme ne fait que vérifier, dans d’autres, il prend des décisions cruciales après analyse. Accepterait-on que son radiologue soit moins payé parce qu’il utilise l’IA pour lire une radio ? Que le tarif des sous-titres d’un film baisse parce que l’IA assiste leur rédaction ?
Le risque est que les donneurs d’ordres cherchent à capter la majeure partie des gains de productivité, notamment pour amortir leurs investissements en IA. Les professionnels devront donc défendre la valeur ajoutée qu’ils apportent. Or, cette justification est difficile car elle n’est pas purement quantitative. De plus, la concurrence favorisera ceux qui demandent moins. La distinction entre prestations de qualité et médiocres sera déterminante. Entre un bon doublage de film et un médiocre, la différence de coût et de temps est énorme, mais le premier est professionnel, le second approximatif. Il existe de nombreux exemples similaires. Tout dépendra donc de l’exigence du client en matière de qualité.
Restons optimistes : comme entre un vêtement Shein et un vêtement de marque, la différence de qualité correspond à des marchés distincts. Chaque professionnel devra se positionner, démontrer la valeur de son travail et espérer que les clients y soient sensibles.
En somme, cette problématique n’est pas nouvelle, mais elle affectera un grand nombre de métiers. L’important sera de savoir défendre sa valeur ajoutée dans un marché où l’IA rebat les cartes.
Publié le lundi 24 mars 2025 . 3 min. 21
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de Dominique Turcq


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