Joanna Maciejewska, une autrice polonaise de science-fiction a écrit dans un post « Vous savez quel est le plus gros problème avec toute cette mode autour de l'IA ? On va dans la mauvaise direction. Je veux que l’IA fasse ma lessive et ma vaisselle pour que je puisse créer de l’art et écrire. Pas que l’IA fasse de l'art pour que je puisse faire ma lessive et ma vaisselle."
Comme nous nous croyons débordés et comme nous voulons tous gagner en productivité la question est : où et quand notre remplacement, voire notre enrichissement, par l’IA (et demain par des IA humanoïdes) sont-ils utiles pour nous …ou non.
Notre société est confrontée à une crise sans précédent de distraction de notre attention. Nous risquons de manquer de curiosité, d’imagination, de temps morts, d’ennuis. L’IA est un fort contributeur, notamment à travers les réseaux sociaux, à ce manque d’attention. Elle risque d’appauvrir nos capacités intellectuelles. Mais ne la condamnons pas totalement toutefois, nous sommes certes manipulés par les algorithmes qui font tout pour nous retenir… mais nous avons tout de même un libre arbitre non ?
D’ailleurs, aller chercher des réponses ou des idées sur internet ou avec des LLM permet une nouvelle forme de curiosité et de recherche dont le cout de transaction était trop élevé auparavant.
L’IA peut certes nous priver de nos choix en nous conduisant à écouter des playlists de musiques ou en nous recommandant des films soi-disant adaptés à nos goûts, mais elle peut aussi nous faire découvrir certaines œuvres que nous aurions ignorées sans sa recommandation.
L’IA est un défi à notre imagination. Personnellement je ne trouve pas qu’il soit difficile d’écrire (même si je peux demander à un LLM de corriger un texte) ni vraiment de résumer un dossier ou un ensemble d’idées (même si là aussi je peux me faire aider), car ce qui est à mon sens le plus difficile est de penser, d’apprendre et de désapprendre. L’IA ne m’aide pas beaucoup sur ces plans.
Que l’IA soit une machine à nous augmenter, pourquoi pas ? C’est probablement même une bonne chose. Cela peut nous faire gagner du temps pour, justement, nous permettre de penser, de rencontrer les autres, de vivre. Car ce qui prend vraiment du temps, et que la machine ne remplace pas, est l’imagination et la rencontre avec les autres et leurs idées. Le vrai défi que nous pose l’IA est donc celui de nous autoriser à l’innovation, pas celui de son utilisation pour faire mieux ce que l’on fait déjà.
L’IA est un enjeu pour l’hygiène de la décision et son éthique. Prendre une décision est à la fois une histoire de faits à analyser, de choix parfois moraux à prendre, d’émotions à maîtriser (ou non), de biais à débusquer (ou non), de confrontations avec les idées des autres. L’IA ne permettra guère que d’aider sur le premier point. Elle ne garantira pas que les autres seront regardés avec une bonne hygiène de décision.
Certes, elle peut influer sur notre relation à la vérité et au savoir, mais elle n’a pas le monopole de la vérité, surtout dans des matières molles que sont la psychologie, la sociologie, le management. Elle n’a pas non plus tout le savoir, surtout l’informel.
Certes, elle peut réduire nos biais, mais elle peut en ajouter d’autres, et peut-être que certains de nos biais sont utiles parfois. Saurait-elle le voir quand nous manipulons, ou quand nous sommes manipulés, par des opinions, des émotions, des faits alternatifs ou simplement insuffisamment vérifiés ?
L’IA ne devrait pas être trop autorisée à s’infiltrer dans l’éthique de nos décisions, mais elle sera la bienvenue dans toute préparation dès lors qu’on lui accorde la bonne place et dans toute aide à nos tâches tant que nous gardons la main sur ce qui nous est important.
Publié le jeudi 20 juin 2024 . 3 min. 54
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de Dominique Turcq
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