Que penseriez-vous d’un ami à qui vous déclareriez que vous souffrez d’un cancer au cerveau et qui vous répondrait « Bah, ce n’est pas grave, tant que le reste va bien ! ».
Il faudrait lui expliquer que le cancer du cerveau va progressivement provoquer la perte de facultés, des douleurs épouvantables, puis inéluctablement la mort, même si, en attendant, tout le reste va bien.
Pourtant c’est ce que nous faisons quand nous regardons le réchauffement climatique. Le mot même de « réchauffement climatique » est trompeur, il laisse supposer qu’il ne s’agit que d’un réchauffement, d’une petite fièvre. Cette dénomination est une hérésie intellectuelle et sociale, elle ouvre la porte au déni, aux discours des climato-sceptiques, et ne permet pas une véritable prise de conscience profonde de ce qui est en train de se passer sur un plan systémique.
Il faudrait en réalité parler de « cancer de l’anthropocène ». Parler d’anthropocène nous conduit à voir l’ensemble des problèmes des relations entre l’espèce humaine et la planète. Parler de cancer implique immédiatement dans nos esprits celle des enchainements inéluctables, de conséquences, de métastases, de généralisation. On éviterait de faire comme si on pouvait séparer les crises. On a parlé de la couche d’ozone, des gaz à effet de serre, des émissions de CO2, des migrations économiques et climatiques, des guerres à venir autour de la ressource en eau, des pollutions au plastique, des zoonoses, de la raréfaction d’autres ressources naturelles, etc. Actuellement monte la préoccupation de la disparition de la biodiversité, etc.
Toutes ces crises sont liées et demandent une approche globale, par les politiques mais aussi par les dirigeants de toute organisation. On voit bien que les mots réchauffement climatique ou dérèglement climatique, ou encore transition énergétique sont très insuffisants pour décrire cet écosystème. Ils font appel à un registre sémantique non menaçant, réchauffement, dérèglement, voire rassurant : la transition laisse penser qu’il y a un après vers lequel on se dirige en sachant où aller ou comment y aller.
Il est important en stratégie et en management de donner plus de valeur à des approches systémiques et globales. On ne peut pas se promener de crise en crise, se contenter de défendre aujourd’hui son bilan carbone, ses actions RSE, demain les progrès que l’on aura fait dans la productivité de l’utilisation des ressources naturelles, après demain des précautions que l’on prendra pour respecter la biodiversité.
Les dirigeants RSE, les parties prenantes, le grand public vont s’y perdre à courir toujours après de nouvelles communications et de nouveaux efforts. Dans le cancer de l’anthropocène il n’y a pas de flavor of the day, il y a un écosystème en danger.
Concrètement cela veut dire d’abord accepter d’avoir une approche globale, systémique, et d’examiner les conséquences spécifiques et concrètes, actuelles et à venir, de ce cancer sur : les stratégies, les business modèles, l’emploi, les politiques RH, la communication, la production, les produits, la R&D.
Utiliser les bons mots, ce sera aussi faire passer de bons messages et nous conduire à utiliser les bons concepts pour regarder les enjeux concrets de nos entreprises et de notre société.
Publié le mercredi 03 mars 2021 . 3 min. 28
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