Face aux dérives et aux fermetures de sites en réponse aux exigences de court- terme des actionnaires, les Scop représentent une alternative défendant une gouvernance plus responsable, fondée sur des principes démocratiques, coopératifs et sur la pérennisation de l’entreprise.
Les Scop offrent aux salariés la possibilité de prendre en main le destin de leur entreprise, de participer aux décisions, d’accéder à de nouvelles responsabilités. Lors des reprises ce sont parfois des salariés qui étaient très éloignés des considérations stratégiques et de pilotage d’entreprise qui sont élus administrateurs. Pour assumer pleinement ces nouvelles responsabilités, les salariés des Scop apprennent et se forment avec le soutien des Unions Régionales des Scop. Ce développement passe aussi par un important partage de connaissances et d’informations entre salariés.
Mais ce tableau idyllique n’est malheureusement pas toujours au rendez-vous. C’est ce que nous avons pu constater dans le cadre d’une recherche que nous avons menée avec deux collègues sur les reprises en Scop, publiée dans le n° 263 de la RFG et dans un chapitre d’ouvrage collectif aux Editions EMS. Nous avons étudié cinq cas de reprise à différentes phases de leur transition en Scop. Nos observations sur le terrain se sont révélées surprenantes car nous avons constaté que de véritables dérives vis-à-vis des principes coopératifs et démocratiques étaient possibles.
Nous avons qualifié ces dérives de hold-up. Hold-up opéré par l’équipe dirigeante qui va détourner à son intérêt la reprise en Scop, déséquilibrer le pouvoir des salariés et mettre à mal les principes démocratiques. Cela passe par le choix délibéré de composer un conseil d’administration à l’identique du comité de direction, et de fixer des droits d’entrée au sociétariat suffisamment élevés pour limiter l’accès à une large partie des salariés. On imagine le clivage dans une jeune Scop où seuls les plus hauts salaires peuvent devenir associés de la Scop, bénéficier d’une partie de la valeur créée collectivement et participer au pilotage. On comprend le décalage entre les principes démocratiques sensés structurer l’entreprise et les pratiques en usage. On comprend aussi l’effet délétère de ce hold-up des dirigeants sur la motivation des individus et le fonctionnement de l’entreprise.
Ainsi, tout comme certains actionnaires des entreprises cotées orientent les choix stratégiques en fonction de leurs intérêts financiers de court terme, certains salariés de Scop peuvent adopter le même type de comportement au détriment du développement de l’entreprise et de l’esprit démocratique. Ces dérives ne sont pas improbables. Elles le sont d’autant moins que nous avons constaté que la question de la gouvernance constituait un angle mort dans beaucoup de processus d’accompagnement des reprises en Scop. Si la viabilité économique du projet de reprise est beaucoup travaillée dans les dossiers de reprise, la gouvernance l’est beaucoup moins.
Le cas du hold-up permet de comprendre l’enjeu de penser la gouvernance démocratique et de l’outiller dès la construction du projet de reprise en Scop.
Publié le jeudi 5 octobre 2017 . 3 min. 32
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d'Emilie Bourlier Bargues
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