L’expression « ticket d’entrée » n’est pas un concept, mais une notion qui exprime en stratégie et en finance l’ensemble des efforts qu’un acteur doit fournir pour parvenir à pénétrer sur un nouveau marché, compte tenu de l’importance des barrières à l’entrée.
En première approche, le ticket d’entrée c’est la somme d’au moins trois types de coûts : un coût financier lié à un besoin de trésorerie pour lancer l’activité avant d’atteindre le point mort, un coût lié aux divers investissements matériels et immatériels nécessaires. Il s’agit enfin de prendre en compte l’existence de coûts irrécupérables en cas d’échec.
Pour entrer sur un marché, il faut en premier lieu être en mesure d’assurer le cycle d’exploitation de l’activité : l’entreprise doit donc disposer des ressources suffisantes pour couvrir le besoin en fonds de roulement ou BFR. Celui-ci correspond au besoin en termes de trésorerie qui permet de financer les décalages de paiements dans le temps, c’est-à-dire entre le délai de paiement accordé aux clients et celui dont profite l’entreprise pour régler ses fournisseurs. L’importance du besoin en fonds de roulement à financer sera d’autant plus important que le point mort sera long à atteindre.
Ensuite, l’entrée sur un marché est conditionnée par la capacité de l’entreprise à surmonter les barrières à l’entrée, que ces barrières soient structurelles ou mises en place par les firmes déjà en place. Ces barrières à l’entrée constituent autant d’obstacles qui limitent l’implantation d’un nouvel acteur sur un marché ; plus ces barrières sont importantes, plus elles protègent les acteurs en place et réduisent l’intensité concurrentielle.
o Parmi ces barrières à l’entrée, on pense naturellement à la législation et aux pratiques règlementaires, à l’existence de brevets qui garantissent la protection de la propriété intellectuelle, aux effets d’expérience qui s’appuient sur les économies d’échelle et donnent un avantage aux acteurs dont la présence sur le marché date de plusieurs années, aux besoins en capital spécifiques de chaque industrie, mais aussi aux comportements stratégiques des acteurs en place (telles que les pratiques de prix plancher, la prolifération d’offres ou encore le verrouillage des réseaux de distribution). Aussi les coûts supportés pour surmonter ces barrières se traduisent par exemple par l’achat d’actifs matériels, l’obtention d’une licence pour pouvoir s’aligner sur les standards technologiques, ou d’importantes dépenses en communication pour permettre à la marque de rivaliser avec les acteurs emblématiques du marché. Il faudrait également tenir compte des essais, corrections d’erreur et ajustements qui provoquent des coûts qui font partie intégrante du ticket d’entrée sur un marché.
Enfin, dernière composante du ticket d’entrée : les sunk costs en anglais ou coûts irrécupérables, auxquels s’est particulièrement intéressée la microéconomie. Il s’agit de coûts définitivement dépensés, et qui ne pourront pas être récupérés en cas d’échec. On peut prendre l’exemple des frais de R&D, mais aussi le cas d’équipements ou de logiciels conçus spécifiquement et qui ne pourraient pas être revendus en cas d’abandon de l’activité. Lorsqu’une entreprise choisit de s’insérer sur un marché, il est ainsi légitime qu’elle évalue dans quelle mesure les ressources engagées peuvent être redéployées dans le cas où cette entrée échouerait. Si les investissements supportés apparaissent très spécifiques et qu’il semble difficile voire impossible d’affecter les actifs financés à d’autres usages, alors les coûts engagés seront considérés comme irrécupérables : ils accroissent donc le montant du ticket d’entrée. D’une manière plus générale, les économistes Baumol, Panzar et Willig, nous expliquaient dès 1982, que l’entrée sur un marché ne peut être analysée sans prendre en compte le coût éventuel de sortie de ce marché.
Besoin en fonds de roulement, investissements, coûts de sortie éventuels : bien sûr ces éléments ne sont pas faciles à évaluer tant toute stratégie de pénétration recèle des inconnues liées aux incertitudes du marché, des technologies, mais aussi des capacités de ripostes des firmes en place. Chercher à évaluer l’ampleur du prix du ticket d’entrée est néanmoins un exercice stratégique et financier indispensable pour évaluer le risque d’investissement.
Publié le jeudi 12 octobre 2017 . 4 min. 20
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