L’EBITDA, cet acronyme barbare mais incontournable, incarne le mantra dans la finance moderne pour les investisseurs et les gestionnaires. Derrière ces six lettres, une promesse : celle de mesurer et comparer la performance réelle des entreprises, en se libérant de certaines contraintes des règles comptables. Il est notamment utilisé pour déterminer la valeur d’une entreprise. En fonction de considérations des marchés financiers, une entreprise en forte croissance pourra valoir par exemple 15 à 20 fois son EBITDA, une entreprise au ralenti 5 ou 6 fois. Tout cela se négocie bien sûr.
Mais que cache vraiment cet indicateur ? Est-il vraiment le reflet fidèle de la performance d’une entreprise.
L’EBITDA, en anglais Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation, and Amortization, se traduit littéralement par "Résultat avant intérêts, impôts, dépréciations et amortissements". En clair, il s’agit de dévoiler le résultat opérationnel d’une entreprise en excluant des charges considérées comme non représentatives de son activité courante. Grâce à des retraitements de la comptabilité, l’EBITDA met ainsi de côté toute une série de charges de l’entreprise. C’est le cas des intérêts financiers liés au coût de la dette, de la fiscalité, des dotations aux amortissements et des dépréciations. C’est aussi le cas des charges exceptionnelles qui sont considérées comme exceptionnelles.
Cet indicateur a le mérite de gommer les distorsions que peuvent entraîner des décisions financières, des choix d’investissements spécifiques à une entreprise, des incidents de parcours. Par exemple, deux sociétés opérant dans le même secteur, mais ayant des structures de financement ou des actifs très différents, verront leurs performances comparées sur une base plus homogène grâce à l’EBITDA.
Il y a cependant un envers du décor qui masque des réalités parfois trompeuses. Par exemple, en écartant les charges d’intérêts, l’EBITDA occulte la gestion de la dette, un aspect pourtant crucial de la viabilité à long terme d’une entreprise. De même, en ignorant les impôts, il fait fi des contraintes fiscales. Quant aux amortissements, ils ne sont pas que des chiffres abstraits : ils représentent la dégradation inévitable des actifs physiques et incorporels. Plus grave, il y a le fourre-tout des charges exceptionnelles qui permet subjectivement de mettre à l’écart des incidents de parcours.
En outre, l’EBITDA est susceptible d’être manipulé. En reclassant certaines dépenses ou en étirant les définitions, les entreprises peuvent gonfler artificiellement cet indicateur. Ce n’est pas pour rien que certains observateurs le surnomment ironiquement "Earnings Before I Trick Dumb Auditors". Traduction en bon français : les bénéfices avant que je ne roule les auditeurs dans la farine.
L’EBITDA est donc un indicateur à manier avec beaucoup de précaution. Cela ne doit être qu’un outil parmi d’autres, qui nécessite une solide exprtie et une compréhension approfondie du contexte dans lequel il est utilisé. Pour évaluer véritablement la santé ou la valeur d’une entreprise, il est indispensable d’avoir un regard très critique, avec de bons auditeurs qui décortiquent les chiffres, et de replacer l’EBITDA dans une analyse économique et financière plus globale.
Publié le vendredi 6 septembre 2024 . 4 min. 33
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