La culture générale, plafond de verre de l'ascension sociale

La diversité ou l’égalité homme-femme ne constituent que la partie émergée, visible, de l’iceberg des inégalités en entreprise. La maîtrise des codes sociaux est un plafond de verre dont on ne parle presque jamais. Cette maîtrise n’est elle-même qu’un volet d’une compétence plus large que nous proposons de nommer par commodité « culture générale ». Nous proposons de la définir, cette culture générale, comme l’ensemble des connaissances non spécialisées embrassant les différents domaines du savoir humain que peut posséder un individu.

Cette culture est l'un des facteurs discriminants les plus redoutables. Elle est difficilement quantifiable et ses frontières sont floues. Elle n’est pas évaluée puisqu’elle n’occupe aucune place officielle dans le monde de l’entreprise censé être celui de la rationalité économique. Pourtant, elle confère à celui qui la possède une précieuse confiance en soi. Comme l’avait montré Bourdieu, la culture est un outil essentiel de distinction (dans les deux sens du terme : elle joue comme marqueur d’une place sociale supérieure et en même temps sépare). Elle discrimine de façon d’autant plus insidieuse que ceux qui ne la possèdent pas sont inconscients du subtil classement qu’elle opère.

Elle est aussi un facteur d’efficacité au travail : connaître l’histoire des faits ou celle des idées philosophiques, posséder des notions de sociologie ou de psychologie, par exemple, peuvent être des atouts dans la réflexion stratégique ou le savoir-faire managérial. DeGaulle ne disait-il pas : « La culture générale est la véritable école du commandement » ? Cette culture générale est, pour prendre une image, le carburant essentiel sans laquelle une intelligence, aussi forte soit-elle, tourne à vide.

L’efficacité de la culture générale est aussi celle de ces soft-skills dont on a désormais pris conscience en entreprise : posséder un savoir-être spécifique, être à l'aise et intéressant à l'oral lors d'un dîner avec un client, savoir débattre avec des interlocuteurs de haut niveau, sont par exemple des qualités qui font toute la différence entre deux collaborateurs de même formation et de même expérience.

Avec la digitalisation de la société, la culture générale va devenir plus cruciale que jamais. Préemptant toutes les tâches mobilisant de simples capacités d’application, la robotisation n’épargnera que les emplois faisant appel à la création, l'inventivité et la plasticité ; autant de compétences qui trouvent leur source dans la culture générale.

Les différences de culture générale peuvent jouer dès l’entretien d’embauche (par exemple, remarquer et commenter l’œuvre qui trône dans le bureau de son futur employeur), essentiellement il est vrai pour l’accès à des fonctions élevées de direction. On le sait, notre bagage culturel dépend du cadre socio-économique dans lequel nous évoluons et avons grandi.

Soucieuses de démontrer qu’elles s’inscrivent dans une démarche d’équité et qu’elles sont conscientes de leur responsabilité sociétale, les entreprises cherchent à remettre en question les différents « plafonds de verre » empêchant la juste progression de leurs collaborateurs. Il serait bon qu’elles prennent réellement conscience des enjeux liés au plafond de verre de la culture générale.