De la bipolarisation droite gauche à la bipolarisation des extrêmes

La disparition progressive du clivage gauche-droite, accélérée par la stratégie politique d’Emmanuel Macron en 2017, soulève un problème fondamental pour la démocratie française. L’effacement volontaire de cette ligne de démarcation traditionnelle entre deux grandes visions du monde a eu pour conséquence, loin de rénover la vie politique, de renforcer les extrêmes.

2017, Emmanuel Macron a porté un projet présenté comme une alternative « ni de droite ni de gauche », une démarche centriste qui se voulait pragmatique et moderne. Cette stratégie a permis de séduire un électorat diversifié, lassé des partis traditionnels perçus comme inefficaces et déconnectés des réalités sociales.

Toutefois, en dissolvant ce repère historique, le président a créé un vide idéologique. Ce clivage gauche-droite avait une fonction structurante pour la démocratie représentative française : il organisait le débat, permettait l’expression d’opinions plurielles et offrait aux citoyens un choix clair entre deux grandes familles politiques.

Or, en supprimant cette polarité, Emmanuel Macron a paradoxalement fragilisé la démocratie. Le paysage politique s’est fragmenté, rendant difficile la structuration des débats autour de projets cohérents. Pour « respirer », l’électorat s’est alors tourné vers les seules offres politiques encore visibles et structurées : les extrêmes, à savoir l’extrême gauche et l’extrême droite. De Jean-Luc Mélenchon à Marine Le Pen, ces forces politiques, souvent considérées comme des alternatives radicales, ont bénéficié d’un transfert de soutien d’une partie de l’électorat désabusé. Cet affaiblissement des partis traditionnels a permis aux extrêmes de s’installer comme des acteurs centraux du débat public, les présentant parfois comme les seules alternatives crédibles au « ni-ni » macroniste.

Aujourd’hui, Emmanuel Macron, tout en niant la légitimité de ces extrêmes, propose une réponse basée sur le renforcement du centre. La nomination de François Bayrou comme Premier ministre illustre cette volonté d’incarner un centre « pur », supposé représenter la modération et la stabilité. Bayrou, qui se revendique historiquement comme « centriste » voire central et équilibré entre gauche et droite, est ainsi perçu comme une solution pour rassembler, sans pour autant renouer avec la polarisation traditionnelle.

Cependant, cette réponse semble insuffisante face à la radicalisation du débat politique. En s’appuyant sur le centre, Macron risque de renforcer encore l’idée que la seule alternative réelle réside dans les extrêmes. Ce jeu d’équilibriste ne permet pas de répondre aux attentes d’une partie de la population qui aspire à des solutions concrètes face aux crises sociales, économiques et identitaires. Le recentrage constant du pouvoir ne fait que repousser les débats de fond et les clarifications politiques nécessaires pour une respiration démocratique durable.

En conclusion, l’effacement du clivage gauche-droite, loin de pacifier la vie politique, a favorisé une bipolarisation autour des extrêmes. De Maurice Duverger en passant par Chantal Mouffe, nombreux sont ceux qui ont souligné la nécessité de ce clivage pour éviter la dérive populiste et où le vide démocratique.