Max Weber distinguait deux grandes postures politiques : l’éthique de conviction, qui repose sur des principes absolus, et l’éthique de responsabilité, qui assume les conséquences des décisions prises. Pendant longtemps, cette opposition a servi à analyser les choix des dirigeants : fallait-il rester fidèle à un idéal coûte que coûte, ou bien composer avec la réalité ?
Aujourd’hui, ces catégories tiennent-elles encore dans un monde politique où le chaos programmatique devient une stratégie et où l’économie de l’attention impose ses règles ?
L’éthique de conviction est-elle encore sincère ?
Dans un monde où la visibilité est devenue la ressource la plus précieuse, l’éthique de conviction elle-même n’est-elle pas en train de se transformer ? Faut-il encore y voir un engagement sincère, ou bien une posture calibrée pour maximiser l’attention ?
Jean-Luc Mélenchon illustre parfaitement cette tension. Officiellement, il se place dans une éthique de conviction radicale, refusant tout compromis au nom de son idéal. Mais en réalité, son approche repose sur une maîtrise de l’attention politique, enchaînant crises et coups d’éclat qui imposent son tempo dans l’espace public. Le chaos programmatique devient un outil de domination du débat, et non plus un simple effet secondaire.
Dès lors, les véritables stratèges de l’éthique de conviction ne sont-ils pas en train de disparaître, remplacés par des figures qui assument un chaos organisé pour mieux dicter les termes de la conversation politique ?
De l’autre côté, L’éthique de responsabilité est elle encore de mise
Théoriquement, elle suppose un calcul rationnel des conséquences politiques. Mais dans un univers où le court-termisme domine, où la gestion de l’agenda médiatique est primordiale, qui agit encore en réel stratège de long terme ?
Emmanuel Macron se veut l’incarnation de l’éthique de responsabilité, assumant des décisions impopulaires au nom d’un bien supérieur. Mais ses prises de position sont également mises en scène pour créer des moments de rupture, du buzz, qui lui permettent de structurer le débat autour de sa propre figure.
Weber peut-il encore nous aider à penser la politique contemporaine ?
Si Weber opposait ces deux postures, le monde politique actuel semble les tordre dans une même logique d’hyperbolisation du débat, de radicalisation des enjeux.
D’un côté, le chaos est programmé pour entretenir une domination médiatique, de l’autre, les principes sont exagérés, caricaturés, pour maximiser la visibilité.
Alors, faut-il encore penser en termes d’éthique de responsabilité et d’éthique de conviction, ou bien devons-nous reconnaître que l’espace politique est devenu un pur jeu de gestion de l’agenda et de captation de l’attention ?
Ce n’est plus l’éthique qui structure l’action politique, mais la capacité à imposer un tempo.
Publié le lundi 31 mars 2025 . 3 min. 07
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