L'Allemagne s'enfonce, tandis que l'Espagne triomphe ! Pour les investisseurs, il n'y a aucun doute : c'est bien le verdict qu'il faut tirer du rapprochement entre les taux d'intérêt à long terme des deux pays depuis 2022. Mais l'économie espagnole se démarque également par rapport à la France et à l'Italie. Depuis deux ans, sa croissance dépasse largement celle de ses voisins. L'Espagne a progressé de 2,5% en 2023, alors que le reste de la zone euro stagnait à 0,5%. Un rapport de 1 à 5 qui ne devrait guère changer cette année. Cependant, il s'agit d'une vision à court terme. Si l'on prend du recul, on constate que, quatre ans après le début de la crise sanitaire, la progression du PIB espagnol n'a pas fondamentalement fait beaucoup mieux que celle du reste de la zone euro.
Une économie relancée par des circonstances exceptionnelles
L'Espagne, en raison de sa forte spécialisation dans le tourisme, a été plus durement frappée par les conséquences des deux années de crise sanitaire et a pris plus de temps à se rétablir. L'effet de rattrapage a donc été décalé et plus puissant. Les attaques contre le pouvoir d'achat ont également été moins virulentes qu'ailleurs, notamment grâce à la force des mesures prises par le gouvernement. Certaines ont été retirées, mais pas toutes. En parallèle, le salaire minimum interprofessionnel a bénéficié de hausses importantes, avec une augmentation de près de 20% entre début 2022 et 2024, soit presque trois fois plus rapide que l'inflation. Cette dynamique a soutenu la consommation et, par conséquent, la croissance.
Le climat des affaires s'améliore, et même la construction neuve de logements est en plein essor, atteignant un pic depuis 2009. Les créations d'emplois suivent, avec un taux de chômage tombé à son plus bas niveau depuis juillet 2008. Toutefois, cette relance de l'économie espagnole est davantage liée à des circonstances exceptionnelles et à un décalage conjoncturel qu'à une amélioration durable de ses fondamentaux. Les infrastructures touristiques fonctionnent à plein régime, mais la grogne croissante de la population contre le surtourisme oblige désormais les autorités à agir. Quant aux dispositifs de soutien au pouvoir d'achat, leur suppression progressive devrait s'achever d'ici la fin de l'année pour limiter leur impact sur les finances publiques.
Une compétitivité mise à mal
L'Espagne se retrouve confrontée à ses vieux démons, révélés lors de la crise de 2008-2009. Le pays a connu, du milieu des années 90 jusqu'à la grande récession, une période de stagnation puis de recul de la productivité, contrastant avec une forte croissance du PIB. Ce décalage traduisait un modèle de croissance principalement alimenté par l'endettement privé et des investissements peu productifs, notamment dans la construction, au détriment d'autres types d'investissements matériels et immatériels plus à même d'accroître la croissance potentielle. La remontée de la productivité après 2008-2009 s'explique par des effets de composition, liés à la destruction massive d'emplois dans les secteurs moins productifs.
La crise sanitaire a remis les compteurs à zéro. Faible productivité et hausse des coûts salariaux ont affecté la compétitivité du « made in Spain », entraînant une nouvelle dégradation des comptes extérieurs. Cette faiblesse est en partie due à la structure productive du pays, essentiellement composée de petites entreprises familiales à faible productivité, avec très peu de grandes structures à l'autre extrémité du spectre. Stimuler la productivité est donc essentiel à long terme. À cet égard, l'Espagne dispose d'un atout : elle est le deuxième plus grand bénéficiaire des aides européennes post-Covid, après l'Italie. C'est une nécessité absolue pour éviter que la croissance potentielle ne chute et que l'endettement public devienne insoutenable. Néanmoins, ce processus est long et le retour à la réalité pourrait être plus brutal que prévu.
Publié le jeudi 26 septembre 2024 . 4 min. 16
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