Très, très chères études ! Pas tous les cursus, mais certaines filières d’excellence sont devenues hors de prix. C’est le cas notamment des 24 grandes écoles de management analysées par « Planète Grandes Ecoles ». Etudier à HEC Paris coûtait ainsi en 2023 61 700 euros pour trois années d’études, auxquels s’ajoutent les frais d’hébergement. Sur le campus de Jouy-en-Josas, il faut débourser en moyenne 660 euros par mois et c’est plus cher encore en dehors, dans les villes proches comme Versailles. Il faut ajouter au minimum 24 000 euros ; la barre des 86 000 euros est quasiment atteinte.
Une hausse des frais de scolarité déconnectée de l'inflation et des revenus
La note est salée mais HEC n’est pas un cas isolé : six établissements, l’ESCP, l’ESSEC, l’EDHEC, l’emlyon et SKEMA, dépassent le seuil des 50 000 euros. Les Parisiennes et les écoles du top 10 s’inscrivent dans le contexte plus général d’une très forte augmentation des frais de scolarité ces 10 dernières années. Aucune école n’y échappe vraiment. Finalement, seules deux réussissent à avoir des frais inférieurs à 30 000 euros si bien qu’en moyenne, il faut débourser un peu plus de 43 000 euros. Une facture en hausse de 68% depuis 2011, autrement dit qui s’est élevée au rythme de 4,4% l’an.
C’est totalement déconnecté de l’évolution de l’inflation ou de la progression du revenu des ménages, mais aussi des rémunérations des jeunes diplômés : en dix ans, l’évolution des salaires à la sortie a augmenté d’un peu moins de 6 600 euros bruts par an, c’est plus de deux fois inférieur à celui des frais de scolarité. Bref, le rendement du diplôme a diminué.
La flambée des prix ne va pas sans poser des problèmes de financement. Bourses au mérite ou d’excellence, alternance, prêts à taux zéro ou garantis par l’État… de nombreux dispositifs sont là pour alléger le fardeau. Mais cela ne suffit pas. Le reste à charge dépasse largement les capacités financières de l‘écrasante majorité des Français. C’est un frein évident à la diversité sociale des promotions : trois quarts des étudiants sont ainsi issus de milieux sociaux favorisés ou très favorisés (cadres, cadres dirigeants, chefs d’entreprise, professions intellectuelles, universitaires et professions libérales).
École d’ingénieurs : la collectivité paie la reproduction sociale
Cela serait cependant une erreur de faire aux seules « Business School » le procès en manque de diversité sociale. A priori, les écoles d’ingénieurs échappent à la critique malgré des frais d’inscription en hausse. Parmi les quelques 200 écoles habilitées à délivrer un titre d’ingénieur, plus de 60% ont des frais de scolarité inférieurs à 2 000 euros l’année. Mines Paris, l'école d'ingénieurs publique la plus chère, coûte 3 850 euros par an. Cerise sur le gâteau, la plus célèbre d’entre elles, Polytechnique, paie même ses étudiants environ 1 300 euros bruts par mois. C’est d’ailleurs aussi le cas pour les différentes entités de l’École Normale Supérieure.
Cela en fait-il pour autant des temples de la méritocratie et de la diversité sociale ? Plus d’un étudiant sur deux d’une école d’ingénieurs est issu d’une famille de cadres supérieurs, plus de six sur dix pour l’ENS et sept sur dix pour Polytechnique. C’est plus de deux fois la moyenne nationale. Les grandes écoles sélectives sont également les plus sélectives socialement et se caractérisent par une importante reproduction intergénérationnelle : les enfants d’anciens polytechniciens ont ainsi 296 fois plus de chances d’être admis à Polytechnique que les autres.
En outre, c’est le contribuable qui est sollicité pour le financement des écoles publiques d’ingénieurs. Et la facture est salée : le coût de la formation d’un ingénieur est d’environ 60 000 euros, celui d’un polytechnicien, hors rémunération, de 110 000 sur trois ans ! Alors certes, les polytechniciens doivent s’engager au moins 10 ans dans la fonction publique dans les 20 ans qui suivent leur formation, mais dans les faits beaucoup partent exercer dans le privé, dans la finance par exemple, où les salaires sont beaucoup plus élevés. Dans ce cas, la règle veut que les élèves remboursent une partie des frais de scolarité pris en charge par l’État durant toutes leurs études, mais les usages ne sont pas aussi clairs.
En fin de compte, c’est la collectivité qui paie à grand frais la reproduction sociale. Les filières d’excellence, qu’elles soient financées par le public ou privatisées, coûtent de plus en plus cher avec ce même résultat : les jeunes de milieux modestes en sont en grande partie exclus.
Publié le mardi 04 juin 2024 . 4 min. 39
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